Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Chers collègues,
Une opportunité nouvelle en termes d’énergie semble s’offrir à nous, juste sous nos pieds.
Je veux parler du gaz de schiste.
Notre sous-sol regorgerait en effet de ce gaz non conventionnel, un gaz piégé dans les couches sédimentaires, à 2000 ou 3000 mètres de profondeur.
Si les gaz non conventionnels sont connus depuis longtemps tout comme les techniques permettant de les exploiter, c’est de fait la raréfaction de la ressource pétrolière et le renchérissement de l’exploitation des hydrocarbures qui a poussé les ingénieurs à revenir vers ces réserves de gaz atypiques.
Avant d’entrer dans le vif du débat, permettez-moi de rappeler rapidement les principes de l’exploitation de ce gaz, car exploiter les gaz et les huiles de schiste, c’est combiner deux techniques :
- Tout d’abord, la fracturation hydraulique de la roche : eau, sable, cocktail chimique sont injectés à très haute pression et permettent de libérer le gaz prisonnier récupéré par des puits.
- Ensuite, la seconde technique est celle du forage horizontal, qui permet d’atteindre des profondeurs de 2 à 3 km.
Les méthodes d’extraction étant bien connues, l’exploitation de ces ressources suscite le vif intérêt de nombreux pays de par le monde, car il existe des réserves de schiste un peu partout sur la planète.
Ainsi, à l’heure actuelle, les Etats-Unis sont les plus en pointe sur l’exploitation des gaz de schiste, qui représentent d’ores et déjà plus de 50% de la production gazière américaine.
Le succès que rencontre ce nouveau type d'exploitation aux Etats-Unis est sous-tendu par la législation locale, qui rend le propriétaire du terrain également propriétaire du sous-sol, ce qui n'est pas le cas en France.
Le potentiel gazier des schistes intéresse aussi les gouvernements du Canada, d'Europe, d'Asie et d'Australie.
La Chine et l’Inde, pour leur part, espèrent une production comprise entre 10 et 30 giga-mètres cubes par an en 2020 pour la première et de 17 giga-mètres cubes par an en 2025 pour la seconde.
La France pour sa part, avec ses nombreux bassins sédimentaires (bassin parisien, bassin du sud-est, bassin d'Aquitaine,…) détiendrait au moins 25% des réserves européennes de gaz de schiste.
On peut donc comprendre l’intérêt que certains portent à cette source d’énergie. Certaines études montrent, en effet, que la décennie qui s’ouvre sera celle du schiste, à l’image du retour en force du gaz dans la production d’électricité.
D’autre part, il y a de toute évidence un intérêt en termes de réduction de notre dépendance énergétique et de limitation des importations de gaz venant de Russie.
Selon une étude du Baker Institute of Public Policy de l'Université Rice, l'augmentation de la production de gaz de schiste aux États-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar et l'Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz qu'ils exportent vers l'Europe.
Cependant, l’exploitation de quelque forme d’énergie que ce soit n’est jamais neutre sur le plan environnemental, et il faut donc également considérer le bilan coûts/avantages du point de vue écologique.
Et de ce point de vue, l’exploitation des gaz de schiste a deux conséquences potentiellement majeures pour l’environnement :
- La première conséquence est mondiale, elle est globale :
En effet, la consommation de gaz contribue à l’effet de serre et donc aux changements climatiques, ce qui n’est pas neutre dans le contexte des engagements pris à Copenhague ou, plus récemment, à Cancun.
Si l’on effectue uniquement une comparaison avec les énergies auxquelles le gaz de schiste se substitue, le bilan est plutôt bon.
En effet, la combustion d’une tonne équivalent pétrole de gaz naturel émet 2,3 tonnes de CO2, contre 3,1 tonnes pour le pétrole et 3,9 tonnes pour le charbon.
Mais il faut également considérer le bilan dit « du puits à la roue », comprenant l’ensemble des émissions pendant tout le cycle de vie, en particulier celles dues aux énergies utilisées pour la construction des puits et pour leur démantèlement, transports des matériels compris : et là, le bilan est clairement moins bon !
Plus globalement, le gaz de schiste reste une énergie fossile, donc en quantité limitée dans le sous-sol de la planète.
Ce n’est donc pas une énergie renouvelable capable d’alimenter un « bouquet énergétique » alternatif aux énergies carbonées.
- La seconde conséquence est locale :
Le risque est tout d’abord celui de la pollution des nappes souterraines par manque d’étanchéité des forages.
Ce risque est aggravé pour le gaz, qui est par nature éruptif par rapport aux huiles.
Le risque réside donc dans la pollution des sols en cas de fuite des canalisations. Si le mélange injecté dans le sous-sol est composé à 98 % ou 99 % d’eau et de sable, a priori neutres pour l’environnement, les 1 % à 2 % restants contiennent des acides et produits gélifiants potentiellement dangereux pour l’homme et pour l’environnement.
Par ailleurs, la consommation d’eau est très élevée avec ces techniques : 15 000 à 20 000 m3 par puits.
Enfin, l’implantation des machines à forer et des installations connexes peut émettre du bruit et avoir un impact important sur les paysages.
Au regard des réticences observées pour l’implantation des parcs éoliens, on peut se poser la question de l’acceptabilité de ces forages par les riverains. Elle est vraiment loin d’être acquise !
Les CENTRISTES fait donc le constat de la « non neutralité » de cette source énergétique. A ce titre, le débat de ce jour est bienvenu.
Les enjeux sont grands et nous attendons avec grand intérêt les conclusions de la mission conjointe du Conseil Général de l’Industrie, de l’Energie et des Technologies et du Conseil Général de l’Environnement et du Développement durable sur la roche mère.
Un rapport d’étape doit être remis pour le 15 avril prochain et le rapport final pour le 31 mai.
D’ores et déjà, le 11 mars, le Premier Ministre a prolongé le moratoire sur l’exploitation du gaz et des huiles de schiste. Les permis de recherche et les autorisations de travaux sont désormais suspendus jusqu'à la fin de la première quinzaine de juin.
Pour Les CENTRISTES, il s’agit d’une bonne décision.
Cette prolongation est nécessaire, particulièrement au regard du principe de précaution.
A notre sens, il est dans ce domaine plus que primordial de définir un encadrement législatif.
Un cadre législatif est en effet toujours en vigueur pour les autres formes d’énergie.
Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les gaz et huiles de schiste ?
Pour le groupe Nouveau Centre, le débat sur l’exploitation du gaz de schiste soulève en réalité la question beaucoup plus large de nos priorités énergétiques :
- voulons-nous poursuivre la recherche de nouvelles ressources d’énergie fossile, qui se feront toujours plus rares et dont l’exploitation sera, inéluctablement, toujours plus difficile et plus coûteuse financièrement et écologiquement parlant ?
- Et voulons-nous plutôt concentrer nos moyens sur le développement d’énergies alternatives de substitution ? ou voulons-nous avancer en essayant de combiner les deux ?
Pour le groupe nouveau Centre, s’il n’est naturellement pas envisageable de se détourner à court terme des énergies fossiles, tout comme d’ailleurs de l’énergie nucléaire, la montée en puissance progressive d’énergies alternatives, à travers un plus grand mix énergétique, doit clairement être un objectif prioritaire.
A ce titre, je voudrais rappeler les combats menés de longue date par les Députés du Nouveau Centre :
- Tout d’abord, opérons une nouvelle impulsion en faveur du développement des biocarburants, en se donnant les moyens de réussir la phase de la première génération, elle-même garante du succès des nouvelles générations. La filière française de biocarburants, la récente étude de l’Ademe l’a une nouvelle fois démontré, est une source renouvelable et durable de carburant. Vous connaissez mon engagement sur le sujet, je suis convaincu qu’il faut supporter cette filière dans une stratégie de bouquet énergétique alternatif aux énergies fossiles et de lutte contre le réchauffement climatique.
- Il en va de même pour la méthanisation. Cette énergie renouvelable peut être utilisée sous différentes formes, que ce soit pour la combustion pour la production d’électricité et de chaleur, ou que ce soit pour la production d’un carburant. Nous souhaitons, à ce sujet, saluer l’initiative du Gouvernement, qui a annoncé le nouveau cadre de soutien à la méthanisation le 24 février.
A cette occasion, vous avez, Madame la Ministre, autorisé l’injection du gaz issu de cette technique sur les réseaux de gaz naturel et une valorisation des tarifs de rachat de l’électricité produite à partir de biogaz. Ce nouveau cadre annonce une dynamique prometteuse pour la méthanisation.
- Pour finir, un mot, sur le photovoltaïque, je voudrais vous le rappeler, madame la Ministre, le groupe Nouveau Centre a défendu lors du moratoire, une valorisation des projets photovoltaïques portés par les agriculteurs. Nous militons pour une stricte règlementation concernant les fermes solaires au sol afin d’éviter une hausse des prix des terres et une emprise sur les terres arable. Mais nous estimons nécessaire l’établissement d’un prix de rachat tenant compte des spécificités de la production agricole. L’Allemagne le fait et cette option ouvrirait des perspectives non négligeables pour la compétitivité de la France.
Le temps me contraint à ne pas développer davantage mais vous aurez compris notre volonté que plus de transparence soit faite sur le sujet des gaz et huiles de schiste avant toute décision d’ exploitation.
La question est d’importance puisqu’elle rejoint celle de la santé publique et de l’environnement.
Nous souhaitons enfin que le Gouvernement précise comment il envisage le gaz de schiste dans sa stratégie énergétique globale.
Je vous remercie.