Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Les collectifs budgétaires se suivent et se ressemblent. Il y a un mois, en effet, notre Assemblée était saisie d’une loi de finances rectificatives visant à ratifier le plan d’aide à la Grèce. Si d’aucuns, parmi nous, s’étaient alors émus du caractère historique de ce plan de sauvetage de 110 milliards d’euros, je ne sais de quel superlatif il faudrait aujourd’hui user pour qualifier cette garantie apportée à l’ensemble de la zone euro pour un montant record de 750 milliards d’euros.
Bien sûr, ce nouveau plan n’a rien de comparable avec le précédent ; puisqu’il s’agit, dans un cas d’un véritable concours financier et, de l’autre, d’un double mécanisme de garanties financières apporté aux Etats qui en feraient la demande.
En fait, il va plus loin encore dans la rupture avec deux principes fondateurs de l’euro : l’absence de responsabilité partagée sur les dettes publiques d’une part, et la stricte séparation entre politique monétaire et politique budgétaire d’autre part.
Néanmoins, ces deux plans répondent à une même logique d’urgence imposée par l’effondrement des marchés financiers ; l’incertitude politique et l’impasse institutionnelle dans laquelle se trouve la zone euro n’ayant fait qu’aggraver la situation.
Et j’en profite ici pour saluer, une nouvelle fois, le leadership décisif du Président de la République et de la Ministre de l’économie dans cette crise.
Néanmoins, je le redis, c’est cette incapacité à agir de concert dans les plus brefs délais qui nous conduit à examiner un fonds de sauvegarde dont on peut se demander, en toute lucidité, s’il n’est pas déjà dépassé à regarder la réaction des marchés ces derniers jours.
Au Nouveau Centre, nous considérons que ce décalage entre le temps long du politique et la logique à court terme des marchés financiers révèle avant tout le cruel déficit de gouvernance économique dont souffre la zone euro depuis sa création.
En effet, il a fallu que l’Europe se trouve au bord d’un gouffre systémique pour qu’avec l’ensemble de nos partenaires nous adoptions des mesures d’une ampleur sans précédent.
Si ces plans de sauvetage sont évidemment indispensables pour garantir, à court terme, la stabilité de la zone euro, ils n’en seront pas pour autant suffisants pour répondre aux défis structurels auxquels doivent faire face l’ensemble des pays membres.
Premièrement, tous les Etats qui demanderaient l’activation de ce plan seraient bien incapables de rembourser leurs créances dans un délai de 3 ans, comme il est prévu. C’est la raison pour laquelle, j’aimerais savoir, Madame la Ministre, s’il ne serait pas plus réaliste de rééchelonner la dette de ces pays, sans qu’il y ait pour autant abandon de créances.
Deuxièmement, ces réponses à brève échéance ne nous dispensent pas d’une réflexion qui s’inscrit dans le temps long du politique et dont l’objet est d’offrir, à terme, à l’Europe, les moyens d’une véritable gouvernance économique.
Plus encore, la question des dettes souveraines et des risques de contagion qui lui sont inhérents rendent d’autant plus prégnante la nécessité d’une harmonisation économique, fiscale et sociale de ses politiques. Car la monnaie unique n’ouvre pas que des droits, elle implique aussi des devoirs en matière de convergence et de solidarité européenne.
Une des pistes récemment évoquée, c’est celle du commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Olli REHN, qui vise à ce que les Etats soumettent leurs projets budgétaires à la Commission européenne avant qu’ils ne soient présentés aux Parlements nationaux.
C’est un premier pas vers l’avènement d’un véritable fédéralisme budgétaire que le groupe Nouveau Centre appelle depuis longtemps de ses vœux, à rebours des errements constatés par excès d’intergouvernementalité.
Je le dis à tous ceux qui perçoivent cette idée comme un abandon supplémentaire de souveraineté : sa contrepartie logique pourrait être la ratification, par le Parlement, du programme de stabilité pluriannuel qui est régulièrement transmis à la Commission européenne, comme l’a récemment annoncé le Président de la République.
En effet, la crise que traverse l’Eurogroupe a révélé tout à la fois la nécesité de renforcer sans délai les critères du Pacte de stabilité et de croissance, mais aussi les carences du contrôle communautaire en la matière.
Pire encore, les procédures de sanction financière pour déficits excessifs semblent contradictoires avec l’objectif même d’assainissement des comptes publics de l’ensemble de la zone euro. Elles n’ont d’ailleurs jamais été appliquées, la Commission se contentant la plupart du temps d’un simple rappel à l’ordre.
La chancelière allemande Angela MERKEL a d’ailleurs récemment soulevé cette question en suggérant que les sanctions encourues ne soient plus uniquement de nature économiques de façon à ne pas entraver la reprise, mais bien politiques avec, par exemple, une éventuelle suspension du droit vote lors des réunions de l’UE.
C’est aussi toute l’ambition de la proposition que le groupe Nouveau Centre porte depuis le début de la législature et qui vise à inscrire dans le marbre de la Constitution une « règle d’or » visant à interdire le vote en déficit des lois de finances de l’Etat et de la Sécurité Sociale, avec des exceptions en cas de récession ou de circonstances exceptionnelles.
La deuxième piste de réflexion, c’est la mise en place de véritables outils de régulation bancaire et financière à l’échelle européenne, comme par exemple la création d’une véritable agence de notation européenne.
Je vous rappelle d’ailleurs que c’est sous l’impulsion du Président de la République et de la Ministre de l’économie que l’UE a initié plusieurs évolutions réglementaires structurantes pour la stabilité financière et l’amélioration des pratiques de supervision en UE. C’est à l’initiative de notre pays que la commission européenne a adopté en 2009 l’examen d’un « paquet supervision » constitué de 4 projets de règlements européens, dont le Comité européen du risque systémique qui permettra de renforcer l’efficacité de la supervision financière à l’échelle européenne.
J’ajoute que notre pays est à l’avant-garde quant à la transcription nationale de ces différents sujets. En effet, de nombreuses dispositions ont d’ores et déjà été traduites en droit interne. Je pense ici au renforcement du dispositif de lutte contre les juridictions non coopératives ainsi qu’à la traduction, dans la réglementation française, des règles agréées par le G20 en matière d’encadrement des rémunérations des opérateurs de marché.
Dans cette perspective, le groupe Nouveau Centre attend beaucoup du débat qui va nous occuper la semaine prochaine concernant le projet de loi sur la régulation bancaire et financière. Il s’agit, en effet, de compléter ces dispositions dans trois directions : la création d’un conseil de régulation financière et du risque systémique, la désignation de l’AMF comme autorité de contrôle et de surveillance des agences de notation et, enfin, le renforcement de la supervision des groupes bancaires européens.
Mais ce sera surtout pour nous l’occasion de marteler ce qui doit-être le maître-mot de toute forme de régulation, à commencer par la responsabilisation des acteurs financiers. Car il est inadmissible que le contribuable européen n’ait de cesse de venir au secours de banques qui ont pris trop de risques et qui n’assument pas leurs responsabilités.
C’est pourquoi, au Groupe Nouveau Centre, nous proposons par exemple que soient proscrites les ventes « nues » des fameux Credit Default Swaps, les CDS. Ce genre de pratique purement spéculative a en effet beaucoup joué dans la crise qu’a traversé l’Eurogroupe.
Mes chers collègues, l’histoire de la construction européenne est indissociable des situations d’urgence qui ont amené les pouvoirs publics à amender sa structure et sa vocation.
En faisant peser des risques sur la cohésion et la stabilité de la zone euro, la spéculation contre la monnaie unique constitue un nouveau défi de ce genre.
Pour y répondre, nous devons bien évidemment apporter notre garantie souveraine au plan de sauvetage dont il est ici question. C’est la raison pour laquelle nous soutenons ce texte.
Néanmoins, et j’en suis convaincu, nous devons surtout faire de cette crise une opportunité pour jeter les bases d’un véritable gouvernement économique européen.
C’est une chance historique qui nous est donnée, ne la manquons pas.
Je vous remercie.