Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les députés,
Monsieur le Ministre,
Le présent projet de loi vient finaliser la réforme de la représentativité instaurée par les dispositions de la loi du 20 août 2008 sur la démocratie sociale et le temps de travail.
Ce texte s’articule autour de deux dispositions principales, qui suscitent la polémique depuis quelques semaines.
Il s’agit tout d’abord du principe même du recours à une élection pour mesurer l’audience syndicale dans les entreprises de moins de 11 salariés.
Il s’agit ensuite de la création des commissions paritaires régionales, chargées d’assurer un suivi de l’application des conventions et accords collectifs de travail et d’apporter une aide en matière de dialogue social.
A propos de cette mesure, on peut d’ailleurs, pour le moment, parler au passé puisque la commission des affaires sociales a supprimé l’article qui créait les commissions en question.
Le groupe Nouveau Centre tient d’abord à souligner que ce texte s’inscrit en cohérence avec l’ensemble des dispositions, votées par cette majorité ou lors de la précédente législature, qui accordent dans notre droit, une place plus importante au dialogue social.
La loi du 31 janvier 2007 est venu instaurer une obligation de concertation préalable des partenaires sociaux à tout projet de réforme du Gouvernement relative aux relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle.
Nous venons, par ailleurs, de voter, dans une démarche unanime qui est tout à l’honneur de notre assemblée, un dispositif similaire pour les propositions de loi, de sorte à ce que les partenaires sociaux puissent participer pleinement au travail de réforme entrant dans le champ de leur compétence.
La loi du 20 août 2008 s’est, quant à elle, saisie des conditions de la représentativité des organisations syndicales de salariés, pour leur conférer une légitimité renouvelée, fondée sur des critères adaptées aux réalités de la démocratie sociale d’aujourd’hui.
Avec ces différentes mesures, la majorité s’inscrit dans une démarche de confiance dans les partenaires sociaux, dans leur esprit de responsabilité, dans leur capacité à dépasser les clivages et les intérêts conflictuels, pour innover, expérimenter, et faire évoluer notre législation du travail dans l’intérêt des salariés et des employeurs.
C’est ce même esprit de confiance qui porte ce projet de loi tel qu’il a été présenté il y a quelques semaines par le gouvernement.
Ce projet de loi détermine, tout d’abord, les conditions de la participation des salariés des entreprises de moins de 11 salariés à la mesure de la représentativité des syndicats de salariés.
La loi du 20 août 2008 est venue réformer celle-ci qui reposait jusque là sur une présomption irréfragable de représentativité établie sur la base de critères vieux de 40 ans.
Il était donc nécessaire que les critères de la représentativité des syndicats de salariés puissent évoluer.
Le Gouvernement, a arrêté le principe d’une appréciation de cette représentativité, via une mesure de l’audience syndicale, au regard des résultats obtenus lors des élections professionnelles.
D’autres scénarios étaient possibles, qui prennent en compte d’autres critères, et notamment le critère de l’adhésion, auquel notre groupe était attaché.
La réforme de la représentativité a été conçue d’une façon différente. Nous en avons pris acte.
La mesure de l’audience syndicale, via les élections professionnelles, n’était cependant envisageable qu’à condition de lever différentes incertitudes, et notamment celles qui planaient sur la participation de tous les salariés à la mesure de l’audience syndicale et notamment les salariés des TPE qui ne participent pas aux élections professionnelles.
Le groupe Nouveau Centre a défendu cette position lors du débat sur la réforme de la représentativité.
Ce principe a été retenu dans le cadre du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Dès lors que le principe de la mesure de l’audience syndicale par l’élection est arrêté, elle ne peut que concerner l’ensemble des salariés. C’est notre conviction.
Quelle logique pourrait en effet légitimement exclure 4 millions de salariés du droit à se prononcer sur le choix du syndicat qui leur est le plus proche ?
C’est pourquoi notre groupe est favorable aux dispositions qui organisent la mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés, dans le cadre d’une élection spécifique sur sigle.
Les commissions paritaires régionales suscitent, quant à elle, la controverse, à tel point qu’une majorité s’est dégagée en commission des affaires sociales pour supprimer ce dispositif, en dépit des garanties d’ores et déjà apportées par le Sénat.
Je le dis d’emblée : notre groupe est sensible aux préoccupations exprimées par différentes organisations d’employeurs qui ont le sentiment de se voir imposer des modalités de dialogue social dont elles ne sont pas demandeuses.
Nous avons pour objectif de faire progresser le dialogue social dans ce pays, de sortir de conceptions traditionnellement conflictuelles des relations entre syndicats et employeurs.
Nous sommes convaincus que la démocratie sociale, cela peut être autre chose que le sempiternel affrontement permanent et manichéen des représentants des salariés contre les représentants des employeurs.
Cet objectif nous impose d’être d’autant plus à l’écoute des employeurs qui expriment leur inquiétude, et de prendre en considération la nécessité de ne pas imposer de contraintes supplémentaires aux entreprises.
Il n’est dans l’intérêt de personne, et surtout pas dans l’intérêt des partisans du dialogue social dans les TPE, que celui-ci soit perçu comme une contrainte.
Nous avons bien entendu un certain nombre des arguments présentés par les adversaires de l’instauration de ces commissions.
L’un d’eux consiste à expliquer que le dialogue social existe par nature dans les TPE, grâce aux relations directes établies au quotidien entre l’employeur et les salariés.
C’est effectivement une qualité propre aux TPE que de permettre un échange direct entre celui qui a la responsabilité de l’entreprise et les salariés de celle-ci.
Mais qu’un employeur soit ouvert à la discussion signifie-t-il pour autant qu’il soit un expert de la législation sociale et du dialogue social ?
J’ai moi-même une expérience de chef d’entreprise, et surtout de conseiller prud’homal au conseil des Prud’hommes de Roubaix.
A ce titre, j’ai pu constater combien le dialogue social dans une TPE ne va pas de soi, et combien la méconnaissance par l’employeur des arcanes de la législation sociale dans le cadre de litiges, pouvait avoir des conséquences dramatiques sur la pérennité de son entreprise, et cela en dépit, dans bien des cas, de sa bonne foi.
Les entreprises, et en particulier les plus petites entreprises, leurs salariés et leurs responsables, ont donc besoin d’un espace de dialogue social qui puisse se situer, non pas en leur sein, mais dans un cadre extérieur.
Le cadre extérieur proposé par le texte initial étant celui du territoire régional.
Les missions de ces commissions, pour être parfaitement comprises et admises, doivent être clarifiées.
Pour Les CENTRISTES, il doit pouvoir s’agir, avec ces commissions, de diffuser plus largement une information qui vienne en aide aux salariés et aux employeurs, pour expliquer les conditions de mise en œuvre d’un certain nombre de dispositions de notre législation sociale.
Comment mieux accéder à la formation professionnelle ?
Comment mieux tirer partie des dispositifs relatifs à l’apprentissage ?
Comment faire connaître les bonnes pratiques en matière de santé et de sécurité au travail, comme en matière d’amélioration des conditions de travail ?
Comment s’assurer que les salariés bénéficient des régimes de prévoyance et des avantages sociaux qui puissent aussi contribuer à l’attractivité des métiers exercés au sein des TPE ?
Comment enfin, et j’y tiens particulièrement, apporter aux salariés et aux employeurs l’appui juridique qui permette de prévenir les conflits et de favoriser les conciliations entre les parties en cas de désaccord ?
Il ne s’agit pas de négocier de nouveaux droits, mais de s’assurer de l’application de l’existant, et de créer, par le dialogue social, des dynamiques sociales qui valorisent les TPE.
Le groupe Nouveau Centre sera donc ouvert aux propositions qui permettront d’instaurer un véritable dialogue social dans les TPE, tout en garantissant le respect des prérogatives de l’employeur dans son entreprise.
Nous serons aussi particulièrement attentifs à ce que le travail de ces commissions s’effectue dans le respect des dispositions et accords pris par les branches professionnelles.
Nous serons ouverts à toute proposition qui permettra d’apaiser les inquiétudes autour de ces commissions sans pour autant dénaturer ces dernières.
Pour notre groupe, le dialogue social est, par nature, fondé sur un équilibre fragile.
Il ne s’agit pas de tomber dans l’angélisme, et nous savons la part de méfiance qu’il peut y avoir entre des interlocuteurs qui ne se connaissent pas.
Nous pensons que cette méfiance, et les a priori qui l’accompagnent, peuvent être levés d’autant plus facilement dans un cadre territorial proche de la réalité des entreprises, au contact des besoins concrets et des enjeux quotidiens des salariés et patrons de très petites entreprises.
Nous savons bien, nous qui sommes pour la plupart des élus locaux, qu’au niveau des territoires, et en particulier au niveau des petites communes, bien souvent les clivages s’estompent pour relever des défis de gestion locales qui ne sont, ni de droite, ni de gauche.
Les commissions paritaires régionales sont le niveau territorial adéquat pour permettre de faire l’apprentissage d’un dialogue social constructif qui apporte une véritable valeur ajoutée aux TPE.
C’est pourquoi notre groupe souhaite que le débat sur le texte issu de la commission des affaires sociales nous permette de rétablir la possibilité de créer ces commissions, là où les partenaires sociaux, représentants des salariés comme des employeurs, le souhaitent.
Enfin, il nous semble que la redynamisation du dialogue social à laquelle nous avons contribué avec les lois du 31 janvier 2007 et du 20 août 2008 doit se poursuivre, au delà de la seule question de la représentativité des salariés.
Ce sont tous les partenaires du dialogue social qui doivent être légitimes, parce que le champ de réforme que peut couvrir la négociation collective, est vaste.
Il comporte encore des chantiers d’importance, qui supposent que ceux qui les engageront ne puissent pas être contestés dans leur légitimité.
Il y a deux parties aux accords collectifs, qu’ils soient interprofessionnels ou de branches : la partie salariée et la partie patronale.
Si on exige d’une des parties qu’elle refonde les termes de sa légitimité, comme le Gouvernement l’a fait avec la partie salariée, alors il faut accepter d’en faire de même pour l’autre partie, à savoir la partie patronale. C’est une question de parallélisme des formes.
C’est pourquoi, et nous attirons l’attention à ce sujet depuis plusieurs années, engager la réforme de la représentativité des organisations syndicales ne peut pas s’opérer sans engager, en parallèle, la réforme de la représentativité des organisations d’employeurs.
Il n’existe en effet à ce jour pas de texte qui définisse la représentativité des organisations d’employeurs.
Celles-ci assoient leur légitimité sur les différentes catégories d’entreprises qu’elles représentent : entreprises privées pour le MEDEF, petites et moyennes entreprises pour la CGPME, artisanat pour l’UPA.
Mais comme le fait remarquer le rapport Hadas Lebel sur la représentativité, les frontières de ces différents périmètres sont, en réalité, très perméables.
Une même entreprise peut s’estimer représentée par plusieurs de ces organisations.
Il est donc particulièrement difficile de savoir, avec certitude, qui parle au nom de qui et qui a la légitimité pour prendre des décisions et conclure des accords qui engagent des réformes profondes de notre législation sociale.
D’ailleurs, le débat autour de ce texte achève de nous convaincre de la nécessité d’engager cette réforme.
Le MEDEF et la CGPME ne manquent pas de contester à l’Union des Professions Artisanales le droit de s’exprimer au nom des petites entreprises qu’ils estiment représenter également.
Et pourtant, l’artisanat est par nature un secteur qui concentre un grand nombre de ces petites entreprises.
C’est également, pour partie, en vertu de cette querelle en légitimité que l’accord du 12 décembre 2001 sur le dialogue social dans l’artisanat, signé entre l’UPA et les syndicats de salariés, a vu sa validité contestée devant le juge pendant plusieurs années notamment par le MEDEF et la CGPME, avant de pouvoir être appliqué.
Mais en l’absence de règles du jeu clairement établie, comment déterminer avec certitude la représentativité des uns et des autres ?
Qu’en est-il également de la légitimité à participer à la négociation collective d’organisations représentant les professions libérales ou les employeurs de l’économie sociale ?
Comment par ailleurs, des organisations syndicales de salariés qui, en vertu des nouvelles dispositions de la loi du 20 août 2008, ne seraient plus représentatives, pourraient accepter que les organisations d’employeurs ne soient assujetties à aucune règle de représentativité ?
Ce serait ouvrir la porte à une contestation systématique, devant le juge, des accords conclus dans le cadre de la négociation collective au motif qu’une partie des signataires de cet accord ne serait pas représentatifs.
En réalité, nous ne pouvons pas laisser ce risque s’installer, et ce d’autant moins quand des modifications législatives interviennent en vertu des conclusions de cette négociation collective, conformément à la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007.
A notre sens, c’est tout l’édifice de la co-construction des réformes de la législation du travail entre partenaires sociaux et les pouvoirs publics, qui serait fragilisé.
La réforme de la représentativité des organisations d’employeurs est donc un chantier qu’il est urgent d’engager si nous voulons que les bases de la légitimité de chaque acteur de la démocratie sociale soit assurée pour 2013.
Nous présenterons des amendements dans ce sens.
Voilà, Monsieur le Ministre, mes chers collègues, l’état d’esprit avec lequel le groupe Nouveau Centre entame le débat sur ce texte.
C’est avec la volonté de construire un dialogue social respectueux de l’unité qui lie la communauté d’hommes et de femmes réunis au sein de l’entreprise, aussi petite soit elle, que notre groupe votera pour ce projet de loi.