06.07.2010

Discours de Charles de Courson à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques pour 2010

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

I. Depuis trente ans, la classe politique de notre pays n’a cessé de discréditer ceux pour qui la rigueur budgétaire n’était pas un vice, mais une vertu.
Depuis trente ans, notre endettement est devenu un puits sans fond, dans lequel tous les gouvernants ont creusé leur légitimité électorale. Tous, sans exceptions, ont légué à leurs successeurs un fardeau toujours plus lourd faisant peser la menace d’un déchirement de notre tissu social, puisque la question de l’endettement public est avant tout une question d’équité intergénérationnelle.
Élections après élections, la question de notre endettement public est devenue une question secondaire et périphérique, le temps long du politique cédant le pas à une véritable dictature de l’immédiat et du résultat à court terme.
Au Nouveau Centre, nous n’avons pas, comme beaucoup, attendu que des Etats aux indicateurs économiques comparables aux nôtres menacent de faire défaut pour défendre l’idée d’un retour à l’équilibre de nos finances publiques.

II. Aujourd’hui, l’urgence nous donne raison.
Nous n’en faisons pas un motif de satisfaction pour autant, car la question de l’endettement public n’est pas une question partisane, c’est davantage une question d’équité entre les générations qu’une question de droite, de gauche ou du centre.
Sur ce point, la dégradation de notre situation nette est révélatrice de l’échec de trente années d’endettement, de trente années d’absence de responsabilité politique.
C’est pourquoi le rendez-vous budgétaire qui nous occupe aujourd’hui ne doit pas être une énième déclaration de bonnes intentions non suivies d’effets.
C’est pourquoi il doit être le point de départ d’une politique budgétaire enfin rigoureuse, enfin à la hauteur des moyens qui sont les nôtres, enfin responsable et courageuse.
Il faut le dire aux français : aujourd’hui, dans notre pays, plus de la moitié des intérêts de la dette payés chaque année représente une ponction sans contrepartie en termes d’actifs.
Il faut leur répéter qu’en 2012, notre dette publique aura atteint 100% de notre PIB ; leur répéter qu’à cette date, les seules charges d’intérêt de la dette deviendront le premier poste de dépense de l’Etat, devant l’éducation.
Sous la pression des marchés et de Bruxelles, force est de constater que le Gouvernement commence à prendre la mesure des enjeux auxquels notre pays est confrontés.
C’est la raison pour laquelle, je vous le redis Monsieur le Ministre, notre groupe vous soutiendra dans l’effort que vous avez entrepris d’accomplir.

III. Malgré cela, nous sommes contraints de constater que les hypothèses défendues par le Gouvernement pour revenir aux critères de Maastricht d’ici 2013 ne seront pas suffisantes :
- En premier lieu parce que le gel en valeur sur trois ans des dépenses de l’Etat n’est pas un gel strict comme on a pu l’entendre, puisqu’il n’inclut ni les charges d’intérêt de la dette ni les pensions. Car le coût supplémentaire des charges d'intérêts en 2010 est évalué à 4,2 milliards d'euros et celui des pensions à 1,5 milliards d'euros soit 5,7 milliards au total, soit une augmentation de 1,5%
- Deuxièmement parce que ces prévisions font état d’une hypothèse de croissance de 2,5% entre 2011 et 2013, alors que tous les économistes s’accordent à dire que notre pays connaîtra, au mieux, une croissance de 1,5% sur cette période et que le gouvernement a lui-même précisé dans les rapports successifs sur le DOB que le taux de croissance potentiel est de l'ordre de 1,7 voire 1,8%. Ainsi, compter sur 35 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 3 ans n’est pas réaliste.
- Troisièmement, notre pays n’échappera pas au double mouvement de réduction de la demande qui va accompagner à la fois l’extinction des mesures de relance dans notre pays mais aussi la mise en place de vastes plans de rigueur chez nos principaux partenaires économiques.
- Quatrièmement, la baisse tendancielle du cours de l’euro n’aura pas d' effets positifs que sur nos exportations extra communautaires. Celle-ci devrait, a contrario, surenchérir durablement le coût nos importations, en particulier sur les matières premières. Cependant, cette baisse de l'Euro, dont le taux de change était excessif, est une bonne nouvelle.
- Enfin, le relèvement très probable des taux d’intérêts va durablement pénaliser notre charge d’intérêt, puisque l’État qui avait choisi de recourir plus massivement à des emprunts à court terme, ne peut continuer à accroître la part des BTF sans prendre des risques déraisonnables.
Avant de développer nos propositions pour parvenir à une véritable réduction de 100 milliards d’euros de nos déficits publics sur 3 ans, j’aimerais vous redire que la maîtrise des déficits publics ne pourra faire l’économie de l’inscription d’une « règle d’or » dans la Constitution, c'est-à-dire que l'on ne peut s'endetter pour financer des dépenses de fonctionnement, comme l’ont fait les allemands, sous peine d’annulation de la loi de finances et de la loi de financement de la Sécurité Sociale.
Celle-ci s’appliquerait aux budgets de l’Etat et de la Sécurité Sociale puisqu’une règle similaire s’applique déjà aux comptes des collectivités territoriales.
Soyez assurés, mes chers collègues, que notre groupe se battra pour y parvenir durant la réforme constitutionnelle ; comme nous continuerons de nous battre pour que les règles de bonne gouvernance de nos finances publiques et qui existent déjà, comme la règle du gage en matière de dépenses fiscales, soient d’abord respectées avant que nous nous dotions de règles nouvelles.
Malgré cela, mes chers collègues, l’inscription d’un tel type de règle dans la Constitution ne saura, à elle seule, parvenir à rééquilibrer le solde public français. Elle n’est que le cadre qui fixe la protection des recettes et la maîtrise de nos dépenses comme impératifs politiques.
Aussi cette règle doit-elle accompagner une politique volontariste de rétablissement des équilibres de nos comptes publics.

IV. Avec l’hypothèse plus réaliste d’une croissance constante à 1,5% entre 2011 et 2013, nous devons faire un effort de 20 milliards d’euros par an pour le seul budget de l'Etat et de 10 milliards pour le budget de la sécurité sociale. 
Pour y parvenir, le groupe Nouveau Centre a fait les quatre propositions suivantes :
A) Pour ce qui concernent l'Etat
- Premièrement, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un véritable coup de rabot de 10% par an sur l’ensemble des niches fiscales, dont le coût devrait avoisiner 75 milliards d’euros cette année. Je le redis : nous ne pouvons pas nous contenter de 5 milliards d’euros d’économie sur les niches en 2 ans ou de l’objectif que nous fixons est plus ambitieux, puisque nous souhaitons 7 milliards d’euros d’économies par an jusqu’en 2013, soit 21 milliards sur 3 ans.
-  Deuxièmement, et je l’ai déjà évoqué plus haut, une baisse de 1,7% en 2 ans des dépenses de fonctionnement de l’Etat, incluant à la fois les pensions et les charges d’intérêt de la dette. Cette mesure permettrait la réalisation d’économies de l’ordre de 24 milliards d’euros d’ici 2013. Une très forte réduction du Glissement Vieillissement Technicité, qui représente 2 milliards d'euros par an, est l'un des éléments d'une telle politique.
- Troisièmement, nous proposons une vaste réforme de l’impôt sur les sociétés pour les plus grandes entreprises. En effet, selon le dernier rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires, si les entreprises du CAC 40 acquittaient l'impôt comme les PME, elles paieraient 15 milliards d'euros et non pas 6 milliards d'euros, soit un manque à gagner pour l'Etat issu de cette optimisation fiscale de 9 milliards d’euros €. Cette réforme aurait notamment pour conséquence l’atténuation de la dégressivité de l’IS et permettrait donc de réaliser une recette supplémentaire de l’ordre de 9 milliards d’euros sur trois ans.
- Quatrièmement, nous proposons de revoir les allègements généraux de charges sur les bas salaires, dont le coût est de 45 milliards, en concentrant ce dispositif sur trois points-clés : l’emploi des jeunes, l’emploi des seniors et les TPE/PME. Les trois mesures d'économies que nous préconisons pour 6 milliards sont les suivantes:
- l'annualisation des bases
- l'abaissement du plafond de 1,6 SMIG à 1,5 SMIG
- La réduction des avantages des grandes entreprises

B) Pour ce qui concerne les organismes de sécurité sociale.
Un effort de 5 milliards d'euros par an sur les dépenses peut être réalisé en 2011 par un gel de la revalorisation des prestations, pour près de la moitié de la somme, et par les efforts de la réforme des retraites.
Côté recettes, une base de la CRDS de 0,5 points pour financer le transfert des dettes (87  … accroître au sein de l'ACOSS est indispensable. La dette sociale atteindra fin 2011 179 milliards d'euros soit 10% de la dette publique. Avec les mesures déjà annoncées dans le cadre de la réforme des retraites (3,5 milliards en 2011) l'objectif de réduction de 10 milliards d'euros de déficit sociaux sera obtenu.

V. Enfin, nous devons bâtir un nouveau pacte de confiance avec nos collectivités et appeler chaque niveau de décision à assumer les responsabilités qui sont les siennes.
Pour y parvenir, et pour doter les départements et les régions de la véritable autonomie fiscale dont la réforme de la taxe professionnelle les a privés, notre groupe propose une opération neutre pour le budget de l’Etat et qui se décline en 3 points :
- Premièrement, nous proposons de supprimer la DGF pour les régions et les départements, et de remplacer cette dotation par la création d’une taxe additionnelle à la CSG pour ces deux niveaux de collectivités avec diminution, à due concurrence, du taux de CSG national.
 Les départements se verraient ainsi affectés d’un point de CSG, soit 11 milliards d'euros,  avec possibilité d’aller jusqu’à 1,1% ; avec, également, la création corrélative d’un fonds de péréquation. La DGF des départements qui s'élève à 11 Milliards d'euros seraient supprimés et un budget annexe sur les prestations sociales obligatoires serait créé regroupant l'APA, la PCH, et le RSA pour un coût net de 11 milliards d'euros.
 Les régions se verraient, quant à elles, affecter d’un demi-point de CSG, soit 5 milliards d'euros, avec la possibilité d’aller jusqu’à 0,6% et avec, là encore, la création corrélative d’un fonds de péréquation  et la suppression de la DGF des régions.
- Deuxièmement, nous souhaitons donner aux départements un pouvoir de modulation encadré sur les montants des prestations sociales ; notamment le RSA, l'APA et la PCH ainsi que de leur donner la possibilité de créer une récupération sur succession pour l'APA.

Mes chers collègues, à l’issue de ce débat d’orientation budgétaire, je suis certain que nos concitoyens attendent de nous que nous nous adressions à eux avec une franchise et une lucidité telles que la situation actuelle de notre pays les réclame.
Cela signifie que nous nous trouvons à la fin d’un cycle : celui qui consiste à mentir aux français en leur faisant croire que nous pouvons indéfiniment vivre à crédit, ajournant le retour à l’équilibre de nos finances publiques au gré de des différentes majorités présidentielles. 
Arrêtons de croire que nous serons sauvés par l’inflation ou par le retour immédiat d'une forte de la croissance, arrêtons de croire que nous serons sauvés par la conjoncture et menons enfin une politique économique et budgétaire rigoureuse.
Plus qu’un impératif, c’est un devoir moral.

Pour une république rigoureuse

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