Lundi 29 février, Maurice Leroy a donné une interview à l'Opinion.
Président UDI du Conseil départemental du Loir-et-Cher et vice-président de l’Association des départements de France (ADF), que préside Dominique Bussereau, Maurice Leroy faisait partie de la délégation qui a rencontré jeudi Manuel Valls. Au menu : la « renationalisation » du Revenu de solidarité active (RSA), qui fait exploser les finances des départements.
Considérez-vous avoir obtenu satisfaction de la part du Premier ministre ?
Manuel Valls propose une prise en charge par l’État du financement du RSA dans le cadre d’une réforme globale des allocations sociales. C’était la demande unanime de l’ADF et, sur le principe, c’est une avancée. Il annonce que l’État ne touchera pas aux recettes dynamiques des départements que sont les droits de mutation à titre onéreux et les cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, mais agira via un prélèvement sur leur dotation globale de fonctionnement.
Sous conditions ?
Oui, en tenant compte de la situation de chaque département et de l’efficacité des politiques d’insertion engagées en faveur du retour vers l’emploi. Par ailleurs, le principe de la clause d’un retour à « meilleure fortune » est acquis : les départements qui feront baisser leur nombre d’allocataires du RSA verront leurs prélèvements diminuer d’autant. Ce sera un accord gagnant-gagnant.
Qu’est-ce qui bloque encore ?
Le point d’achoppement, c’est la date de référence, qui à nos yeux ne peut être postérieure à 2014, année du décrochage des aides de l’État. En 2014, les dépenses de RSA (près de 60 % de nos dépenses sociales) représentaient 9,7 milliards d’euros, compensées par l’État à hauteur de 6,4 milliards d’euros. Il restait 3,3 milliards d’euros à la charge des départements. En 2015, il reste 4 milliards d’euros. Le gouvernement, qui a ses raisons, préférerait 2016 comme date de référence. L’assemblée générale extraordinaire de l’ADF va en débattre mardi. Puis nous nous mettrons au travail avec Jean-Michel Baylet et sa secrétaire d’Etat Estelle Grelier.
En attendant, comment les départements bouclent-ils leur budget ?
La plupart n’ont pas d’autre choix que d’augmenter la fiscalité. Pour beaucoup, ce sera + 20 %, + 30 %, +40 %. Les Yvelines ont voté une hausse de 66 % ! Dans le Loir-et-Cher, nous n’avons pas augmenté les impôts pendant neuf ans, mais cette année ça ne va plus être possible. Sur le terrain, à voir les chiffres du RSA, nous savons bien que la courbe du chômage ne s’inverse pas ! En 2015, 10 départements avaient touché 50 millions d’euros d’aide de l’État. En 2016, il y aura une aide d’urgence pour 40 départements. Faites le calcul… Et en 2017, ce sont 80 départements qui ne pourront pas boucler leur budget, dont celui que je préside, alors que notre gestion est citée en exemple par la Cour des Comptes.
Combien y a-t-il d’allocataires du RSA dans votre département ?
Dans le Loir-et-Cher, 332 000 habitants et un taux de chômage inférieur à la moyenne régionale, il y avait 4 460 allocataires du RSA en 2004, pour une dépense de 16,8 millions d’euros. En 2015, on est passé à plus de 10 000 pour une somme de 40,2 millions d’euros compensée par l’État à hauteur de seulement 20 millions d’euros. À l’Assemblée nationale, Marisol Touraine a parlé du RSA comme d’une « dépense de solidarité nationale ». Elle a raison : c’est l’État qui doit payer et pas le contribuable départemental. Dans la « lasagne » territoriale, c’est le département qui a le plus trinqué. Nous sommes à l’os, et nous risquons d’être contraints de diminuer les dépenses d’investissement. Les départements sont clairement en péril.
Une politique de réinsertion vers l’emploi, cela coûte cher aussi…
Oui, mais il vaut mieux mener une politique de réinsertion que de retrouver les gens au guichet du RSA.