01.12.2009

Délai de paiement dans le secteur du livre par Jean Dionis

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 
Le marché du livre occupe en France une place majeure dans le secteur de la culture, comme l’a rappelé la présidente de la commission. Pour autant, nous en sommes tous conscients, ce secteur doit aujourd'hui relever de nouveaux défis, ce qui est très bien expliqué dans le rapport, transmettre le goût de la lecture aux jeunes générations, mieux défendre la francophonie à l'étranger et, surtout, défi fondamental – ce sera l’axe majeur de mon intervention –, accueillir le numérique, pour paraphraser un rapport qui fait autorité sur le sujet. 
Au centre des préoccupations, il y a la fragilisation des librairies indépendantes, dont la rentabilité est aujourd'hui l'une des plus faibles de l'ensemble des commerces de détail. Il y a plusieurs raisons à cela: la hausse des loyers en centre-ville, la nécessité d'avoir recours à des personnels qualifiés – que je salue au passage – et l'absence de marge de manœuvre financière qui contraint progressivement cette profession à la précarité. 
Or les librairies contribuent de manière essentielle au dynamisme culturel de notre pays grâce à l'enracinement du réseau des librairies, incontournables pour l'animation quotidienne de nos centres-villes. Ainsi, je tiens à remercier la librairie Delbert de ce qu’elle fait pour Agen et, plus généralement, pour le Lot-et-Garonne. 
En prenant la mesure de tous ces défis, et parce que l'exception culturelle française ne peut souffrir de perdre ces réseaux de librairies indépendantes, nous avons su, en encadrant le marché du livre, maintenir ce réseau dense et de qualité. 
La loi Lang a contribué à l’équilibre du secteur en instaurant, en 1981 – j’insiste sur la date, car il faut prendre acte une fois pour toutes que c’était avant internet –, le principe d'un prix unique de vente du livre fixé par l'éditeur, permettant ainsi l'égalité d'accès des citoyens au livre par le maintien et le renforcement des librairies indépendantes. À l’époque, on se souciait clairement de la grande et moyenne distribution. La loi Lang visait également à favoriser le développement des petites et moyennes entreprises, qui dans ce secteur spécifique du livre, se situent du coté des distributeurs et non des producteurs. C'est d'ailleurs pour cette raison que les conventions en vigueur dans le secteur du livre prévoient des délais de paiement particulièrement longs – de l’ordre d’une centaine de jours – correspondant, en moyenne, au temps de diffusion du livre. Ce délai garantit, de fait, l'équilibre du secteur. 
Dès lors, la réduction des délais de paiement aurait des conséquences très dommageables pour la chaîne de distribution du livre: la disparition de nombreuses librairies, la réduction de l'offre éditoriale présentée et plus généralement une remise en cause des mesures prises par l'État et les collectivités territoriales en faveur des librairies. Aujourd'hui, il s’agit, comme cela a été souligné, de mener une politique en faveur de ce réseau, et ce en dépit des marges de rentabilité très réduites. 
Les enjeux de la proposition de loi relative aux délais de paiement des fournisseurs dans le secteur du livre sont donc clairs: c'est pour pérenniser ces dispositions protectrices que nous sommes aujourd'hui réunis. Ce texte, que j'ai cosigné avec beaucoup d’autres, fait l'objet d'un accord unanime sur les bancs de notre assemblée. Il est le résultat d'un travail approfondi, réalisé par Hervé Gaymard au sein du Conseil du livre, sur les enjeux multiples auxquels le secteur du livre est confronté aujourd'hui. À ce titre, je tiens à féliciter personnellement Hervé Gaymard, homme de culture, mais plus que cela, amoureux des livres et de notre langue, pour sa contribution éclairée aux débats, qui a structuré les discussions de cette commission auxquelles j’ai pu participer, certes pas assez, et qui ont abouti au dépôt de cette proposition de loi, 
Nous avons eu une lecture politique de ce texte par notre collègue Chassaigne qui veut que nous versions un tonneau de cendre sur notre tête. Non, nous assumons la LME! La concurrence est tonifiante! 
Il est vrai que la LME visait à protéger, à juste titre, nos PME face aux demandes de délais de paiement trop longs en les plafonnant à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires. Nous sommes fiers de l’avoir votée! 
Il faut défendre cette excellente initiative de la LME. C’est ce que font les libéraux d’inspiration que nous sommes. 
Toutefois, cette règle était clairement inadaptée aux rythmes du circuit de diffusion du livre. Le schéma de cette filière est, en effet, totalement à l’inverse du schéma commercial traditionnel. Dans ce dernier schéma, l’ensemble des PME fournisseurs est petit, éclaté, et le rapport de force est clairement en faveur de la distribution, alors que les PME du livre se situent du côté des distributeurs, leurs fournisseurs étant des groupes d’éditions beaucoup plus « costauds ». Le commerce de la librairie se caractérise donc par des délais de paiement d'une centaine de jours en moyenne, permettant ainsi aux libraires de présenter au public une grande diversité de choix parmi l'offre éditoriale. Alors, oui, il s’avérait réellement opportun de faire une exception, en dehors du raisonnement sur l’exception culturelle, monsieur le ministre. C’est pourquoi Les CENTRISTES, famille politique d’inspiration libérale, s’associe à cette initiative. 
Permettez-moi de saisir cette occasion pour vous faire part de quelques réflexions des centristes sur l'avenir du livre. 
Ce texte est l'aboutissement d'une réflexion et d’une vision à plus long terme portée par le rapport de M. Gaymard sur l'avenir du livre. Nous pensons, quant à nous, que la question centrale est celle d’internet. Internet aboutit dans tous les secteurs à la disparition des intermédiaires qui ne produisent pas de valeur ajoutée. Quelle sera la valeur ajoutée des libraires dans la société internet? C’est cette question centrale à laquelle nous devons avoir le courage de répondre aujourd’hui. 
Le livre a mieux tenu le choc parce que le papier est un média moderne. Il permet une densité d’informations très intéressante. Il n’est pas trop cher. Il est donc un média portable, moderne et a, de ce fait, bien mieux résisté que les supports de la musique et du cinéma. 
Cela dit, nous y sommes et le rapport d’Hervé Gaymard le souligne parfaitement: le choc du numérique dans l’industrie du livre est pour maintenant. Que pouvons-nous faire pour enraciner la valeur ajoutée des libraires à l’époque de la société internet? Nous avons quelques idées sur ce point que nous voudrions vous soumettre. 
Il convient, tout d’abord, de permettre aux libraires de continuer à faire leur métier de stockistes. Permettez à un ingénieur de réfléchir en logisticien. On doit pouvoir trouver un livre plus rapidement chez un libraire que sur internet. Ce n’est pas un objectif facile à atteindre, monsieur le ministre. Il faudra notamment soutenir la création d’un portail internet commun entre les libraires, qui leur permettra d’optimiser leurs stocks et de répondre plus efficacement à la demande des consommateurs dans un délai plus court. 
Il conviendra également de mener une véritable politique de soutien à l’emploi de personnels qualifiés. La valeur ajoutée, c’est le conseil en lecture. Les libraires et les conseillers en lecture des libraires doivent être plus réactifs, plus adaptés et plus personnels que ne peuvent l’être les conseils sur internet. 
La qualité du service dépend étroitement des libraires dont le rôle est de conseiller, de faire découvrir et de mettre en valeur les ouvrages. 
Je pense à nouveau à ce qui se passe chez notre libraire à Agen, Jean-Pierre Delbert. Il serait souhaitable pour lui, comme pour l’ensemble des libraires, d’avoir un soutien public, notamment au niveau de l’allégement des charges, lorsqu’ils emploient des conseillers de lecture qualifiés. C’est un véritable enjeu. 
Il y a encore le problème du pilon et la nécessité de trouver des solutions alternatives. Ce débat nous a animés. 
Le rapport d’Hervé Gaymard y fait allusion. 
À titre personnel, je souhaiterais revenir aux motivations qui ont conduit à cette réflexion. Je tiens à rappeler qu’il existe, dans la commercialisation des livres, un gaspillage considérable des invendus. Chaque année, 100 millions de livres sur 500 millions passent au pilon. Peut-on accepter cela? Non! Cette pratique, admise par le secteur de l’édition, revêt actuellement un caractère symbolique inacceptable envers un des éléments les plus vénérables de notre culture, au mépris, d’ailleurs, des considérations écologistes. Je le répète, on ne peut pas être de la génération du Grenelle de l’environnement et de Copenhague et se contenter du statu quo sur ce gaspillage. Les meilleurs du monde du livre ont déjà commencé à mettre en place des actions correctrices. Je tiens aujourd’hui à les saluer. Elles permettent, grâce à des méthodes de suivi, de faire baisser significativement les taux de retour. 
Enfin, nous devons aider nos librairies à devenir, encore plus qu’elles ne le sont, de véritables lieux de vie, ce à quoi appelle, en effet, la société de l’internet et du virtuel. 
Voilà quelques pistes, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que les centristes voulaient apporter en complément au rapport sur lequel nous nous retrouvons. Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera ce texte.

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