Pas en première ligne (ma spécialité n’étant pas celle-là) mais au front, au CHU, aidant comme je le peux mes collègues et tous les soignants (infirmier-e-s, aides-soignants, brancardiers...), je viens de vivre une de ces épreuves qui vous marquent pour longtemps lorsque la peur et l’espoir, la douleur et l’apaisement se bousculent.
Passé ces moments inouïs où faire face à l’urgence est la seule préoccupation, vient le temps où les instants vécus doivent servir de socle aux réflexions d’avenir.
Quand pourrons-nous arrêter ce confinement aussi indispensable qu’insupportable dans le temps ?
Indispensable car il n’est pas d’autres moyens, lorsque les populations se déplacent en masse, de contrôler la contamination d’une très large partie de la population par ce virus terriblement transmissible. Pas d’autres moyens surtout d’éviter la surcharge d’un système de santé qui ne peut se préparer à tout
Insupportable au plan humain mais aussi au plan économique et social : l’État ne paiera pas longtemps tous les salaires et revenus habituellement en charge des entreprises.
La réponse doit être à la fois sanitaire et économique : mes réflexions
La priorité est évidemment à la santé mais une crise économique majeure du pays n’est pas envisageable, avec un chômage de masse.
Le confinement, par souci d’efficacité, a été déclaré pour tous au même moment. L’arrêt du confinement ne pourra être effectué que quand la courbe des contaminations baissera, laissera des places d’hospitalisations et quand on pourra évaluer que plus de 50 % de la population a été contaminée laissant alors place à une immunité de groupe. Si on utilise les sérologies, à raison de 150000/semaine ou plus il faudra au moins 6 mois.
Je propose donc que l’on utilise un algorithme territorial et non national en procédant par régions hospitalières et sur échantillonnages représentatifs, après avis des autorités médicales et non nationales car il existe de grandes disparités territoriales pour faire cet échantillonnage d’immunité.
Ainsi on pourra proposer la levée du confinement en fonction du résultat.
Dans le même temps, l’État mais aussi les différentes collectivités territoriales, doivent prévoir et organiser cette sortie du confinement. Elles demanderont aux entreprises comme aux services publics de mettre en place les moyens de protection indispensable comme on le fait aujourd’hui pour le personnel soignant.
Les collectivités peuvent et doivent donner l’exemple (et le faire savoir) aux entreprises en équipant leurs lieux de travail et de réunion, des barrières sanitaires indispensables et leurs personnels des masques et protections individuelles nécessaires.
C’est le moment aussi de retrouver nos ambitions passées sur l’apport indispensable des nouvelles technologies : travail à domicile, école et médecine à distance, co-voiturage, applications transports en commun etc..
Cette épreuve ne doit pas être celle du repli sur soi mais, au contraire, celle de l’Europe pour trouver les moyens et la dimension de l’effort qui nous attend et de la décentralisation pour trouver, au plus près, la meilleure réponse à la difficile conciliation entre la santé qui n’a pas de prix et l’économie qui produira les solutions.
Olivier Jardé,
Professeur de Médecine,
Membre de l’Académie Nationale de Médecine,
Vice-président d'Amiens métropole,
Conseiller départemental de la Somme.
