02.08.2022

Charles de Courson, empêcheur de voter en rangs

Vétéran de l’Assemblée et as des questions financières, le député centriste a animé les débats sur le «paquet pouvoir d’achat», agaçant les membres de la majorité et s’attirant les sympathies des oppositions.

L’esprit frappeur de l’Assemblée occupe le siège 233. Depuis ces hauteurs, Charles de Courson a encore joué un drôle de tour au camp présidentiel, alors que s’achevait dans la nuit de mardi à mercredi l’examen du projet de loi de finances rectificative. S’avisant que la revalorisation des pensions était inférieure à l’inflation, l’élu centriste, membre du groupe fourre-tout Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) passe à l’action. Il présente un amendement ajoutant 500 millions d’euros au panier, adopté par les oppositions coalisées malgré la désapprobation du gouvernement.

De son propre aveu, la proposition était bancale. «Ma véritable intention, raconte-t-il, était d’obtenir un engagement du gouvernement pour l’avenir. Mais ils ne m’ont pas répondu, donc on vote. Ensuite, [le ministre de l’Economie] Bruno Le Maire, embêté, demande à me voir. Je lui dis : le jour où tu répondras aux questions, ça se passera mieux. Maintenant, on fait une deuxième délibération pour annuler mon amendement… et tu réponds à la question», ce qui fut fait.

«Les oppositions m’aiment bien»

Ce n’est pas la première fois, et sans doute pas la dernière, que le madré député de la Marne fait tousser l’exécutif. Samedi, il lui avait déjà fait avaler un chèque de 120 millions d’euros, pour compenser aux départements la hausse du RSA. «En général, sourit-il, les oppositions m’aiment bien : je ne suis ni chez LFI ni au RN, donc on peut voter mes amendements sans crainte − parfois même chez des membres de la majorité !» As des questions financières, Courson est respecté sur tous les bancs et craint des ministres pour son expertise et sa liberté de ton. Figure de l’Assemblée, il en est aujourd’hui le plus ancien membre : il y siège sans discontinuer depuis 1993.

Libéral, européen et conservateur, l’homme est surtout un angoissé de la dette publique, dont la dérive lui semble préparer les conditions d’un «régime autoritaire». Un député LREM, vexé, s’étonne de le voir porter «des amendements contraires à ce qu’il a défendu», et soupçonne le Marnais de «se laisser aller à certaines facilités». «Les collègues me disent : tu deviens très coûteux, reconnaît l’intéressé. Je leur dis qu’ils ont l’occasion de me corriger en supprimant les 12,7 milliards d’euros que l’Etat va verser aux actionnaires privés d’EDF pour racheter leurs parts.»

«Quasiment chaque année un burn-out»

Malgré ses états de service, cet ancien membre du Modem n’a jamais fait partie d’un gouvernement, payant peut-être la raideur de son échine. «Je m’en fous complètement ! assure-t-il. Si un président m’appelle, je dis : d’accord, mais il y a des conditions. La situation est dramatique, est-ce que vous m’appuierez constamment pour redresser les finances publiques ? Sinon, donnez ça à n’importe qui, ça leur fera tellement plaisir.» Ce célibataire à la réputation d’ascète dépose en moyenne 200 amendements par projet de budget. Ce dernier adopté, «il fait quasiment chaque année un burn-out qui l’amène en cure de sommeil», témoigne son ami Hervé Morin, président du Nouveau Centre.

Sa voix a parfois porté sur d’autres sujets : il fut l’intransigeant rapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire Cahuzac et, sous le dernier quinquennat, a dénoncé comme digne de «Vichy» la loi anticasseurs. L’expression lui a été reprochée. Mais personne n’a osé reprocher à ce fils et petit-fils de résistants, dont le grand-père est mort en déportation, de ne pas en mesurer le poids.

 

Extrait de l'article : https://www.liberation.fr/politique/charles-de-courson-empecheur-de-vote...

Photo : Xose BOUZAS/Hans LUCAS/AFP 

 

 

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