Le député d’opposition Charles de Courson dresse le bilan de la discussion du paquet de mesures « pouvoir d’achat » après l’adoption puis le rejet successifs d’un amendement qu’il avait déposé au projet de loi de finances rectificative, dont l'examen s’est achevé dans la nuit de mardi à l’Assemblée nationale.
Le débat sur le paquet de mesures « pouvoir d’achat » s’est achevé dans la nuit de mardi à mercredi à l’Assemblée nationale, avec l’adoption par 293 voix pour, 146 voix contre et 17 abstentions du projet de loi de finances rectificative. Les députés avaient adopté un amendement revalorisant les pensions de retraites, contre l’avis du gouvernement, en début de soirée. Ce revers n’a pas été accepté par l’exécutif, qui a demandé un nouveau vote sur cet amendement, en plein milieu de la nuit. Retour sur les ultimes rebondissements d’un texte adopté au forceps, avec le député Charles de Courson, à l’origine de l’amendement. Cet élu centriste est membre du groupe d’opposition Libertés, indépendants, outre-mer et territoires.
La nuit de mardi à mercredi a été courte à l’Assemblée Nationale , notamment à cause d’un nouveau vote sur un amendement que vous avez proposé. Que s’est-il passé ?
Au nom de mon groupe, j’ai déposé un amendement pour poser une question au gouvernement : de combien allez-vous réévaluer, au 1er janvier 2023, les pensions de retraites ? L’Insee estime que l’inflation à la fin du mois de décembre 2022 sera de 6,8 %, or, la réévaluation 2022 a été de 1,1 % au 1er janvier, et 4 % proposés par le gouvernement. En additionnant 4 % et 1,1 %, cela fait 5,1 % : il manquait donc 1,7 %. C’était cela, l’objet de mon amendement : contraindre le gouvernement à dire qu’il réévaluerait les pensions de nouveau au 1er janvier, pour tenir compte de la différence entre l’inflation à fin décembre et les deux réévaluations de l’année. Mais le gouvernement n’a pas été clair, en renvoyant au projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la rentrée. C’est mon septième mandat, je sais que les arbitrages sur la procédure budgétaire sont déjà rendus à la fin du mois de juillet. Nous avons donc mis au vote cet amendement, et il a été adopté mardi en début de soirée.
Avez-vous été surpris de cette adoption ? En étiez-vous tout de même satisfait ?
Surpris oui, et satisfait, aussi. Mon but était d’avoir une réponse claire et précise du gouvernement : ils ont très mal répondu, le rapporteur général Jean-René Cazeneuve (Renaissance) encore moins bien que le ministre d’ailleurs. J’étais prêt à retirer mon amendement, mais il a été mis au vote et adopté. Dès lors, cela a été la « panique à bord » pour le gouvernement. J’ai ensuite dit à Bruno Le Maire que le jour où il répondra précisément aux questions qui lui sont posées, les choses se passeraient peut-être différemment.
Nous l'avons dit et redit : il faut une concertation avant le dépôt des projets de lois.
Dans un second temps, Bruno Le Maire a demandé une deuxième délibération, plus tard dans la nuit. Y a-t-il eu des discussions entre vous ?
Bien sûr ! Je lui ai dit que nous étions prêts à jouer le jeu s’il me répondait. Il a fini par me donner une réponse précise, en conséquence de quoi notre amendement n’avait plus d’objet en tant que tel. C’est pittoresque de voir cette évolution en quelques heures . Même chose pour l’amendement que j’ai fait voter concernant la prise en compte pour les communes et les intercommunalités de l'augmentation du point d’indice de 3,5 % ainsi que l’impact énergétique : nous avons mis plusieurs heures à discuter entre les différents groupes parlementaires pour arriver à un compromis de 180 millions d’euros, que tout le monde a trouvé formidable. Ayant une petite expérience de l’Assemblée, cela me fait sourire : après avoir dit qu’une mesure était épouvantable et impossible, tout le monde se félicite du compromis, et tout le monde vote la mesure, sauf le Rassemblement National. C’est le jeu parlementaire… Ensuite, que Bruno Le Maire fasse de grandes déclarations, disant que j’étais un « garçon remarquable »… Je suis insensible à cela, je n’aime pas du tout la flatterie. Ceux qui veulent me flatter aboutiront exactement au résultat inverse. Il y a un aspect de comédie dans ces débats.
Bruno Le Maire se disait justement prêt à une « nouvelle méthode » de discussion…
Ils ont un problème culturel et parlent encore de la majorité : moi je parle de l’« ex-majorité devenue minoritaire ». Ils n’aiment pas cela, mais c’est la vérité. Nous l’avons dit et redit : il faut une concertation avant le dépôt des projets de lois. On parle de nouvelle méthode, mais si la nouvelle méthode est de continuer à balancer les projets, en disant que c’est à prendre ou à laisser, et bien ils seront battus. Ce n’est pas compliqué, ils sont minoritaires. Finalement, ils ont négocié avec nous, et avec Les Républicains essentiellement.
On a l’impression que l’on bricole !
Pourtant, au sein de votre groupe, vous étiez en faveur de mesures de soutien au pouvoir d’achat ciblées, comme le proposait le gouvernement en début d’examen.
Absolument. Et c’est étrange, car c’était ce que le président de la République et la Première ministre préconisaient. Le ministre de l’Économie avait fait un premier pas dans cette direction, pour les gros rouleurs, en mettant fin à la remise des 18 centimes d’euros, et la redéployant vers des publics en difficulté… Mais ils ont tout abandonné. C’est l’une des critiques pour laquelle notre groupe n’a pas voté contre le texte, mais beaucoup, comme moi, se sont abstenus. C’est la même chose pour le débat sur EDF : la renationalisation, en plus de ne rien rapporter à l’entreprise, est décidée, alors qu’on nous a annoncé une loi de programmation de l’énergie, que l’on devrait examiner début janvier 2023. C’est dans ce cadre-là qu’il fallait faire cette renationalisation, sinon c’est incohérent du point de vue du calendrier. On a l’impression que l’on bricole !
Du bricolage, c’est l’impression que vous donne cette nouvelle méthode ?
La nouvelle méthode n’est toujours pas en place : ils se font battre et après ils se mettent à table. Si c’est cela la nouvelle méthode, cela risque de prendre beaucoup de temps. Une nouvelle méthode serait de nous saisir avant le projet, que nous puissions regarder, réunir tous les groupes politiques, qui pourront dire s’ils peuvent voter le projet de loi, et à quelles conditions. Mais elle n’est pas encore là, cette nouvelle méthode : il a fallu que le gouvernement soit battu et rebattu pour qu’il se mette à négocier. Le projet de loi de finances rectificative, c’était des zakouski [terme russe désignant des hors-d'œuvre varéis, NDLR] : le vote sur la loi de finances initiale va être « rock’n’roll » dans ces conditions.
Extrait Article : https://www.lejdd.fr/Politique/le-depute-charles-de-courson-il-a-fallu-q...
Photo : Le député Charles de Courson, lundi à l’Assemblée nationale. (Jacques Witt/SIPA)