Monsieur le Président
Monsieur le Premier Ministre,
Mes chers collègues,
Le Président de la République a décidé le 11 janvier dernier de répondre à l’appel au secours des autorités maliennes en engageant nos troupes sur le continent africain. Nous avons ici même le 16 janvier 2013 approuvé sa décision et nous n’avons pas changé d’avis. Voilà pourquoi nous approuverons le maintien du déploiement français.
Comme disent les Américains, « the job has been done ». Oui, le travail a été fait, et il a même été bien fait par l’armée française. Notre armée a une fois de plus démontré l’étendue de son savoir-faire et je ne parle pas seulement du militaire stricto sensu mais aussi de sa capacité à fédérer respectueusement les troupes africaines alliées, à gérer les populations civiles, à éviter les dommages collatéraux, en définitive en réussissant à ne pas apparaître en quelques semaines comme une armée d’occupation au service d’une politique néocoloniale.
Permettez aussi à l’ancien ministre de la Défense d’avoir une pensée particulière pour les soldats qui ont combattu au Mali et y ont perdu la vie, je pense au Chef de bataillon Damien Boiteux, à l’Adjudant Harold Vormezeele, au Caporal-chef Cédric Charenton, au Maréchal des Logis Wilfried Pingaud, au Caporal-chef Alexandre Van Dooren. Nous saluons leurs mémoires et pensons à leurs familles.
L’essentiel militaire a donc été fait au Mali. Bamako ne sera pas un faubourg de Kaboul et Tombouctou ne l’est plus depuis sa libération. Je continue néanmoins à regretter que nous soyons intervenus seuls et je continue à penser que la faiblesse de notre action diplomatique à la suite du discours de François Hollande à la tribune des Nations unies y est pour beaucoup. Nous n’avons pas fait de la question malienne une priorité diplomatique et nous l’avons payé en janvier. C’est maintenant de l’histoire ancienne, mais je crois qu’il était bon de le rappeler afin d’en tirer des leçons pour le futur.
La bataille pour l’intégrité du Mali est gagnée ou quasi ; mais la guerre, elle, n’est pas terminée, et ceux qui voudraient nous faire croire à un retrait massif et rapide des troupes françaises nous racontent une fois de plus des histoires et se prennent pour des griots africains au pied de leur palmier-dattier.
D’abord parce que les forces africaines de la Misma ne sont pas prêtes à prendre le relais, si tant est qu’elles le soient un jour. Il y a des questions de formation, de logistique, de nombre mais aussi des questions politiques ; l’engagement, pour quelques Etats faibles voisins de la zone, représente un danger pour eux-mêmes en cas d’investissement militaire trop marqué. On voit d’ailleurs avec la Centrafrique l’extrême fragilité de toute cette grande zone où l’on additionne plutôt les maillons faibles que les noyaux durs.
Dans mon intervention de janvier ici même je disais : « nous devons être en soutien à une opération africaine et non l’inverse ». Et bien clairement, ce qui s’est passé depuis 4 mois nous montre – ce que nous savions d’ailleurs – qu’à l’exception du Tchad, du Sénégal et du Nigeria, il n’existe pas de pays capable de mener une opération militaire structurée car tout simplement leur armée n’existe pas ou presque.
Qui d’autre pourrait donc prendre le relais de l’armée française ?
Les Américains ? Ils ont fait ce qu’il fallait pour nous aider, mais d’une part ils n’ont pas envie de porter sans arrêt l’uniforme de gendarme du monde, et d’autre part leurs priorités sont ailleurs et notamment dans la zone Pacifique.
L’Europe ? Elle a montré une fois de plus son incapacité à avoir un rôle militaire et donc politique.
A quoi bon d’ailleurs continuer à construire des forces européennes diverses et variées et de les annoncer à grand renfort de communication pour in fine ne jamais s’en servir .
L’Otan ? Ce n’est ni son rôle ni son théâtre d’action.
L’ONU ? Elle sera présente pour occuper le terrain mais pas pour faire le coup de feu. Nos forces seront donc nécessaires pour être la force de réaction rapide des troupes de l’ONU et de la Misma, un peu à l’identique de la situation que nous avions connue en Côte d’Ivoire avec la Licorne et l’ONUCI.
Non clairement il n’y a personne à qui passer la main ; il faut voir la réalité en face. Le seul élan est français, et il le restera, et donc nous serons là aussi longtemps que le Mali ne sera pas capable d’assurer par lui-même sa sécurité. Pour tous ceux qui ont oublié, nous sommes arrivés au Tchad en 1984, et nous y sommes toujours.
La priorité, si un jour nous voulons réduire notre engagement doit donc être à la reconstruction de l’Etat malien, car comme toujours il y a les succès militaires mais il n’y a de victoire pérenne que politique. Et rappelons-le, si les djihadistes sont intervenus au Mali ce n’est pas par hasard, c’est parce qu’ils avaient en face d’eux un Etat failli avec un Président sans légitimité, un Etat à l’abandon sous le contrôle d’un capitaine putschiste. Cette reconstruction passe par le dialogue et notamment le dialogue entre l’Etat central et les Touaregs – Touaregs qui nous ont apporté leur concours durant les premières semaines d’intervention.
Rien ne serait pire qu’ils se sentent roulés dans la farine en étant les grands absents du processus de reconstruction démocratique,
Cette tâche politique sera aussi compliquée sinon plus que notre mission militaire parce qu’évidemment nous ne pouvons rien faire qui apparaisse comme une résurgence de colonialisme ou de tutelle. Et en même temps, nous devons avoir l’assurance que le Mali puisse redevenir un Etat démocratique, qu’il retrouve une croissance économique durable, qu’il ne soit plus le paradis des terroristes et des narco trafiquants.
Du point de vue économique avec 80% de la population sous le seuil de pauvreté, la politique d’aide au développement de l’Europe doit faire du Mali et de la région la priorité des priorités : si les Européens n’ont pas été là malheureusement dans la phase militaire, qu’ils soient au moins là pour la reconstruction économique du pays, et beaucoup plus qu’avec quelques formateurs et quelques millions d’Euros. Il faut un plan d’aide massif, c’est pourquoi j’appelle, au nom de l’UDI, à une vaste conférence européenne, voire internationale à Paris, pour la reconstruction du Mali.
Si nous ne faisons pas cela l’histoire se répètera. Le terrorisme repousse comme du chiendent quels que soient les coups mortels qui ont été portés à quelques centaines de djihadistes. Ne nous leurrons pas, la mort supposée des chefs terroristes est un non sujet car ces groupes se moquent des frontières et évoluent sur la totalité de l’arc sahélien. Ils se font et se défont, se recomposent à l’infini et se retrouvent des chefs à chaque fois que l’un d’eux disparaît.
Enfin, je voudrais pour terminer vous dire que ce qui s’est passé au Mali, et l’engagement à venir qui nous est demandé, pose évidemment la question du budget de notre défense.
Nous connaissons nos faiblesses en transports, en drones, en renseignements, en ravitaillement. Tout seuls, sans les Américains, sans une Europe de la défense, nous ne pouvons plus grand-chose.
La restructuration militaire à venir ne saurait s’accompagner d’une purge budgétaire. Elle devra aussi tenir compte de ce que les expériences présentes ou récentes nous ont enseigné : le caractère stratégique de nos forces pré-positionnées, l’importance de l’aéromobilité et plus largement du conventionnel.
Il y aura des arbitrages vitaux dans les mois qui viennent si tout simplement nous voulons encore exister comme puissance, et éviter que notre siège à l’ONU ne devienne plus que le simple témoignage d’un passé glorieux.
Je vous remercie.