Tribune parue dans Les Echos
Les négociations sur la nouvelle convention d’assurance chômage patinent. Les échanges à ce stade se sont avérés poussifs, alors qu’un dernier round de négociations entre les partenaires sociaux doit se tenir le 13 mars. Pourtant, un accord à minima avec des améliorations à la marge du régime serait désastreuse, alors que les perspectives sur le marché du travail sont encore moroses et que le régime d’assurance chômage a profondément pâti de la longue crise que nous traversons depuis 2008. Les partenaires sociaux, à qui, sous l’égide du général de Gaulle, nous avons confié la gestion de ce régime, doivent pleinement assumer leur responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens.
Il est vrai que chacun pourrait se contenter d’un constat rassurant : le régime d’assurance chômage a été plusieurs fois excédentaire au cours de ces 30 dernières années (1986, 1988-1996, 2000-2001, 2006-2008), en dépit d’une conjoncture parfois très difficile. Un retour à l’équilibre, avec le retour de la croissance, n’est donc pas impossible. Pourquoi ne pas attendre sagement les années « fastes » ?
Mais avec plus de 2,3 millions de chômeurs indemnisés, un déficit annuel à 4 Mds€ et une dette culminant à 17,3 Mds€ en fin d’année, 2013 aura encore été une année très difficile pour l’UNEDIC, l’organisme paritaire qui gère notre système de solidarité chômage. Et, de son aveu même, 2014 ne sera pas meilleure avec autant de demandeurs à indemniser, un déficit de 4,3Mds€ et une dette en fin d’année de près de 22 Mds€. D’ores et déjà, espérer « purger » un tel stock de dette dans les prochaines années grâce à un retour aux excédents de l’UNEDIC, alors même que les fondements de la croissance économique potentielle en France s’annoncent faibles et la diminution du chômage lente, tient de la gageure.
Que faire alors ? La comparaison des régimes d’assurance chômage montre que la France bénéficie d’un système généreux en Europe avec à la fois une durée d’indemnisation longue (deux ans pour les moins de 50 ans et trois ans pour les plus de 50 ans) et un montant élevé (entre 57,4% et 75% du salaire brut). Certains pays ont même depuis la crise de 2008 procédé à une réduction des droits offerts par leur système d’assurance chômage: le Danemark, l’Espagne, l’Irlande, la Suisse, et le Portugal. Devons-nous aller jusque là ? Probablement pas, mais inspirons nous du volontarisme de nos voisins européens à retrouver le chemin de l’équilibre.
Le régime d’assurance chômage doit rester un véritable filet de sécurité, parce que le chômage est toujours violent et destructurant. Il doit laisser aux chômeurs le temps de faire une recherche d’emploi complète et de privilégier un emploi stable. Ceci est fondamental. Mais il doit en parallèle être financièrement solide et effectivement incitatif. Du point de vue financier, le MEDEF a mis des propositions sur la table, qui méritent d’être débattues sérieusement. Il suggère notamment une modulation de la durée et du niveau des indemnités en fonction du taux de chômage et la mise à contribution des contractuels de la fonction publique. Tout doit être fait pour limiter les abus qui nuisent à la spécificité inhérente au financement de l’intermittence par le régime d’assurance chômage.
Mais il existe d’autres options financières à considérer : sans aller jusqu’à réduire les taux d’indemnisation et en gardant bien à l’esprit le principe d’une assurance chômage sous forme de filet de sécurité, les partenaires sociaux doivent aborder la question de la dégressivité des droits ou la durée d’indemnisation. Ils doivent aussi étudier le sujet de la durée d’affiliation, ce qui permettra de limiter les recours abusifs à l’activité réduite. Pour ce qui concerne l’incitation au retour effectif à l’emploi, les modalités d’application effective du principe de l’offre raisonnable d’emploi votée en 2008 pour un chômeur doivent également être examinées.
La réforme de l’assurance-chômage sera légitimement d’autant mieux comprise, qu’elle ne se réduit pas aux seules mesures financières et incitatives. Elle doit être accompagnée de réformes de structure au bénéfice des demandeurs d’emploi. Les économies dégagées doivent permettre d’allouer plus de moyens pour Pôle Emploi (et donc plus d’obligations) pour que cette agence puisse réellement accompagner chaque chômeur, quitte à sous-traiter cet accompagnement à des professionnels reconnus. Il est urgent également de garantir une meilleure articulation de l’assurance chômage avec la réforme de la formation professionnelle, qui reste la clé pour les salariés, en emploi ou non, pour évoluer et s’adapter aux innovations permanentes de l’économie.
L’accord entre les partenaires sociaux sur la réforme de la formation professionnelle de décembre 2013 a été décevant : à minima sur le fond des changements, il n’a rien proposé pour réduire les coûts financiers du labyrinthe des dispositifs de formation. Avec le régime d’assurance chômage, les partenaires sociaux doivent maintenant faire preuve de courage. Cette négociation ne concerne pas seulement une poignée d’experts des syndicats et organisations professionnelles. Elle concerne avant tout l’ensemble des Français, les générations présentes et, au rythme d’endettement actuel, futures. Il existe des solutions qui, nous en sommes convaincus, vont dans le sens de ce que souhaite une majorité de nos concitoyens. Ne reculons pas devant l’obstacle.