Une crise agricole d’une rare violence secoue actuellement le monde paysan français. Tous nos agriculteurs – à l’exception de la viticulture – doivent faire face à une baisse drastique de leurs revenus.
Dans certains secteurs comme l’élevage porcin, les prix d’achat des produits agricoles sont nettement en dessous des prix de revient, interdisant à ces éleveurs de se verser le moindre salaire.
Quels salariés d’un autre secteur d’activité supporteraient cette situation ? Aucun.
Cette crise doit interpeller tous les citoyens Français, que nous soyons des ruraux ou des urbains. Car l’agriculture n’est pas un secteur marginal en France.
L’agriculture fait vivre, sur 500 000 exploitations agricoles, plus de 850 000 actifs (exploitants et salariés) auxquels il faut rajouter près de 600 000 actifs dans l’agroalimentaire. C’est donc un secteur d’activité économique qui pèse plus de 1,4 millions d’actifs dans la France d’aujourd’hui. Loin, très loin de l’image d’un secteur résiduel à laquelle je me suis parfois heurté pendant mes dix années de mandat parlementaire.
L’agriculture avec l’agroalimentaire est un des cinq secteurs d’activité ramenant un excédent commercial (avec l’aéronautique, le luxe, la pharmacie et la chimie). Cet excédent en 2015 s’élevait à 9,6 milliards d’euros. C’est donc un des atouts d’avenir et majeurs de la France. Cela se respecte et cela doit être traité comme tel.
Enfin, l’agriculture, c’est notre alimentation et c’est l’enjeu de l’indépendance alimentaire nationale. La France a la chance rare d’avoir une agriculture qui sait la nourrir de manière quasi complète, quelques soient les aliments. Rares, très rares sont les pays parmi les 197 nations du monde qui ont ce privilège.
Pas d’agriculture, pas d’agroalimentaire sans paysans français vivant dignement de leur travail. Or ce n’est plus le cas pour beaucoup d’entre eux. Que faire ?
D’abord avoir la volonté d’agir, ce qui n’est pas visible à l’œil nu pour notre ministre de l’agriculture et pour ce gouvernement qui ne montre pour nos agriculteurs ni empathie, ni expertise.
Les syndicats agricoles réclament des prix leur permettant un revenu décent et un meilleur partage de la valeur ajoutée entre producteurs, transformateurs et distributeurs. Ont-ils raison ?
A long terme oui, et cela passe par des outils de régulation européenne (stockage, etc…) et par la possibilité de faire payer au consommateur final un surcoût à reverser directement aux producteurs. Bref, cela passe par plus d’Europe. Les agriculteurs, souvent tentés par le vote FN, doivent clairement en prendre conscience.
A court et moyen terme, j’y ai longtemps cru et j’ai passé des journées à me bagarrer là-dessus en tant que député, avec mon collègue sénateur Daniel Soulage (coefficient multiplicateur, etc…) pour ne pas aboutir, malgré l’intégration de ces dispositifs régulateurs dans la loi française.
A court et moyen terme, je suis donc sceptique sur les solutions « prix » et lorsque je vois le gouvernement multiplier les tables rondes producteurs - distributeurs, j’enrage de voir l’énergie perdue dans des opérations de communication.
Car, il y a beaucoup mieux à faire. Côté coût de revient, l’Etat et le gouvernement ont clairement des leviers pour améliorer la situation des agriculteurs.
J’ai personnellement investi beaucoup de temps dans l’analyse comparée du coût du travail agricole dans les pays de l’union européenne. J’en suis sorti avec la conviction que certains des principaux pays compétiteurs de la France – et notamment l’Allemagne – dopaient leur agriculture grâce à un coût de travail très bas et à des subventions déguisées.
J’ai alors rédigé une proposition de loi visant à renforcer durablement la compétitivité de l’agriculture. François Fillon s’en est directement inspiré dans la loi de finances 2012 en y intégrant une baisse des charges agricoles significative financée par une taxe sur les sodas.
Arrivée en 2012 des socialistes et de Jérôme Cahuzac : suppression de la baisse des charges sur les agriculteurs et maintien de la taxe sur les sodas.
Hollande a bonne mine d’annoncer maintenant une baisse des charges pour les agriculteurs, même si cela va bien sûr dans la bonne direction.
Pourtant, depuis 2012, rien n’a changé. En France, le taux de charge sur le travail agricole est de 45%. En Allemagne de 23% !!!!!
La même lucidité doit prévaloir en matière de normes environnementales. Oui, l’agriculture française doit progresser et diminuer graduellement ses traitements phytosanitaires. Mais nos agriculteurs ne peuvent plus être pénalisés dans ce domaine aussi contre leurs compétiteurs intra-européens.
Baisser les charges sur le travail agricole pour les mettre au niveau de l’Allemagne, aligner les normes environnementales françaises sur les normes européennes, voilà des propositions concrètes pour aider nos agriculteurs.
A armes égales ! Il est temps de permettre enfin à nos agriculteurs français de pouvoir se battre à armes égales avec leurs voisins européens.
Notre agriculture, nous y tenons, comme patrimoine national et comme atout d’avenir. Elle mérite une politique agricole française forte parfaitement articulée avec l’union européenne.
Cette politique peut se résumer en une phrase : « mettre nos agriculteurs à armes égales avec leurs homologues européens ».
Nous en sommes malheureusement très loin.