C’est bien connu, les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ne veulent pas travailler et l’administration les entretient dans cet état de fait ! Ce discours, aussi démagogique que répandu, a le double avantage de rapporter des voix et d’éviter de se poser trop de bonnes questions.
Parmi les idées fausses qui polluent une réflexion efficace sur le RSA, j’en retiens trois :
- Qui dit bénéficiaires du RSA dit systématiquement fraudeurs. Faux !
- La renationalisation du RSA est une fin en soi. Faux !
- Pour résoudre la question du retour à l’emploi, « yakafokon » ! Faux !
En tant que président du conseil départemental de Loir-et-Cher (UDI) et vice-président de l’Assemblée des départements de France, je plaide pour des solutions locales, de bon sens et pour une révolution des esprits à tous les niveaux. Aussi bien chez les élus, les professionnels de l’action sociale, les bénéficiaires de minima sociaux que dans les entreprises.
Première idée fausse : la fraude généralisée.
C’est vrai, les tricheurs existent et nous devons porter un regard lucide sur l’existence d’une fraude au RSA coûteuse et intolérable. Pas question, pour autant, de remettre en cause toute la chaîne de la solidarité et de faire de la suspicion la règle !
En sortant des effets de manches et des grands discours, montrons le visage de la fermeté et de l’exemplarité. Le meilleur moyen, c’est de travailler avec ceux qui connaissent le terrain, c’est-à-dire les Maires et les acteurs sociaux de proximité.
Je dis souvent que les maires de nos petites communes sont « à portée de baffes », c’est vrai. Ils sont surtout des femmes et des hommes qui connaissent parfaitement leurs administrés et qui, dans nos territoires ruraux, font souvent office d’assistants sociaux ! Les conseils départementaux doivent pouvoir s’appuyer sur eux pour mieux connaître les bénéficiaires du RSA et confondre, le cas échéant, les tricheurs. Face à ces derniers, la plus grande fermeté s’impose et le versement du RSA doit être strictement conditionné au respect des règles établies.
Les départements doivent avoir les moyens de travailler en toute transparence avec les maires et d’échanger les informations via des fichiers partagés. Il y a quelques années, une disposition absurde a interdit la transmission des fichiers RSA aux élus locaux au nom d’un principe de confidentialité.
C’est cette bien-pensance qui alimente la fraude depuis des années et ouvre la porte à tous les abus, à commencer par le travail au noir. Enfin, toujours en lien avec les maires, œuvrons pour le retour de la commission locale d’insertion, un outil précieux pour relayer l’action départementale.
Deuxième idée fausse : la renationalisation du RSA réglera tous les problèmes.
Le RSA est une dépense de solidarité nationale qui doit être assumée par l’État ! La charge du RSA doit donc être renationalisée et l’État doit ainsi payer ce qu’il doit aux conseils départementaux. Cependant, de leurs côtés, les départements doivent avoir prise sur l’action locale en faveur du retour à l’emploi !
Je plaide ainsi pour le « financer national, innover local ». À l’État d’assurer sa mission régalienne en garantissant le financement du RSA, aux départements de mettre en œuvre des actions efficaces et innovantes pour le retour à l’emploi.
En Loir-et-Cher, par exemple, la gestion départementale de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) a permis de réaliser 16 % d’économies grâce à la mise en place d’un système où le département ne paie que les prestations effectivement réalisées. Cela a favorisé le maintien des personnes âgées à domicile et le développement de solutions domotiques innovantes.
Ce type d’initiative locale doit exister et se développer en matière d’insertion. A contrario, une renationalisation complète du RSA ne permettrait plus le développement des innovations locales.
Si les conseils départementaux, premiers acteurs de la solidarité territoriale, ont les moyens de travailler en lien avec les acteurs locaux à des solutions efficaces de retour à l’emploi, les choses peuvent changerfavorablement pour l’emploi dans nos territoires !
Le retour à l’emploi, précisément, fait naître beaucoup d’effets d’annonce sans effets, les fameux « yakafokon ». Non ! Le travail sur l’insertion et le retour à l’emploi ne s’improvisent pas !
Comme pour la fraude, les solutions sont avant tout locales. En lien très étroit avec les maires et les élus locaux, qui connaissent personnellement leurs administrés, il est possible de créer les conditions et les outils du retour à l’emploi.
Trois conditions : identifier les compétences, les postes et les offres d’emploi ; proposer des formations adaptées ; développer l’esprit d’entreprise au sein de l’action sociale.
Je milite ainsi pour la mise en place d’un système informatisé qui mette en lien offres d’emplois et bénéficiaires du RSA. Doté de fiches complètes sur les compétences des bénéficiaires – niveau d’études, parcours –, ce système doit proposer des solutions adaptées et ciblées pour les bénéficiaires du RSA comme pour les entreprises.
En Loir-et-Cher, je connais au moins dix entreprises qui peinent à trouver de la main-d’œuvre. Qu’il s’agisse d’entreprises agroalimentaires, d’exploitations agricoles ou d’acteurs touristiques, ils sont prêts à recruter des bénéficiaires du RSA, mais n’arrivent pas à le faire. Mettre une offre en face d’un besoin n’est-il pas la base de l’économie ?
Ce dispositif doit s’accompagner d’une nouvelle approche de la formation. Aux départements, en lien avec les régions, de proposer des formations « sur-mesure » avec, à la clé, un emploi qualifié. Le coût d’une formation, si important soit-il, sera toujours sans comparaison avec celui d’un chômage de longue durée !
N’ayons pas peur de proposer, d’innover, de changer nos certitudes et nos habitudes sur l’action sociale. Troquons nos idées fausses pour des solutions pratiques, locales et en phase avec les réalités économiques et les besoins de nos entreprises !
Mes cinq propositions pour mieux lutter contre la fraude et favoriser le retour à l’emploi :
- Faire des départements les chefs de file de la réinsertion et recréer les commissions locales d’insertion en lien avec les communes.
- Mettre en commun des fichiers de bénéficiaires RSA entre les différentes collectivités, la Caisse d’allocations familiales, les services des impôts, Pôle emploi et les acteurs locaux.
- Conditionner le versement du RSA au respect des règles (actualisation, recherche active).
- Créer un système informatisé simple de mise en relation des offres d’emplois locales et des bénéficiaires du RSA. Trois « clics » doivent suffire.
- Constituer des « fichiers-CV » pour les bénéficiaires afin de mieux cerner leurs compétences et les faire correspondre aux besoins des entreprises.