Face à la pénurie de médicaments qui inquiètent de nombreux pays européens dont la France, la députée européenne Nathalie Colin-Oesterlé appelle à la souveraineté européenne dans la production des médicaments.
Quel patient n’a jamais été confronté à une pénurie de médicaments ? En moins de vingt ans, la production de médicaments et de substances actives s’est massivement délocalisée de l’Europe vers l’Asie. Aujourd’hui, de 80 à 85 % des principes actifs sont importés de Chine et d’Inde, tandis que 45 % des médicaments commercialisés en Europe sont produits en dehors de l’Union.
À vouloir faire le jeu de la mondialisation à tout prix, l’UE s’est infligé des dépendances de fait, notamment sur des matières premières critiques. Là où l’Europe a perdu sa souveraineté, nos voisins américains et asiatiques ont fait de leur puissance industrielle une priorité. L’Inflation Reduction Act n’est que le dernier exemple en date. Cessons d’être naïfs et créons les conditions de notre attractivité !
Retrouver une véritable souveraineté
Le médicament est un cas d’école qui nous concerne tous. Dès lors, comment en produire à nouveau sur le sol européen ?
1. Dérogeons aux règles classiques de concurrence en autorisant les aides d’État via des crédits d’impôt et en créant un fonds de souveraineté européen chargé de financer des projets pharmaceutiques stratégiques.
2. Réduisons les délais administratifs sans compromettre la santé des patients. Entre le dépôt d’une demande de mise sur le marché d’un médicament et son autorisation, l’Agence européenne du médicament met deux fois plus de temps que son homologue américain.
3. Créons un ou plusieurs établissements pharmaceutiques européens à but non lucratif en capacité de produire des médicaments essentiels, souvent anciens, qui ne sont plus rentables pour les industriels, comme l’amoxicilline.
4. Luttons contre la compression des prix des médicaments. Pourquoi un industriel choisirait-il de vendre ses produits à 1 euro dans certains États quand d’autres paient le double ? La sécurité de l’approvisionnement doit être un critère prioritaire par rapport au prix, sans cependant que soient répercutées les éventuelles hausses des coûts sur les patients.
5. Constituons une réserve commune de médicaments essentiels garantissant à tous les Européens un accès équitable aux soins, comme cela a été fait pour les équipements médicaux pendant la crise du Covid.
La future législation pharmaceutique européenne devra tenir compte de ces priorités. Que ce soit en matière sanitaire, énergétique ou technologique, le temps est venu de privilégier le « made in Europe » pour retrouver une véritable souveraineté.
Crédit photo : Hans Lucas via AFP / © Alexandra Breznay / Hans Lucas
Source tribune : https://www.lejdd.fr/societe/tribune-penuries-de-medicaments-le-temps-es...