Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
Il s'agit d'un moment majeur de l'année parlementaire puisque nous sommes amenés à nous prononcer sur la somme considérable de 453 milliards d'euros pour les régimes obligatoires de base et le FSV. Chacun de nos concitoyens est concerné puisqu'il s'agit des dépenses prises en charge par la collectivité nationale concernant la santé, la retraite, la famille. Nous devons assurer leur financement, leur répartition en sachant que les recettes dépendent de la situation économique, de l'emploi, et qu'elles pèsent sur le coût du travail.
Cette année, le contexte économique est particulièrement difficile en raison de la crise. De plus, nous nous retrouvons en face d'incertitudes en raison de la mise en œuvre de la loi HPST, que certains ont appelée loi Bachelot, loi à laquelle Mme Bachelot tenait beaucoup…
…avec notamment la création des ARS et des négociations conventionnelles dont l'aboutissement est moins que certain.
Je reconnais bien volontiers que les dépenses en 2009 ont été à peu près tenues pour la branche vieillesse, mais aussi pour la branche maladie, même si l'on note quelques dérapages, notamment pour les indemnités journalières, plus 6,8 %, les transports sanitaires, plus 7,8 %, et les auxiliaires médicaux, plus 5,2 %. La médecine de ville et les établissements restent globalement dans les clous, mais il est vrai que certains établissements connaissent des déficits, que les généralistes, devenus en principe spécialistes, n'ont pas obtenu la consultation à 23 euros et que les spécialités cliniques souffrent, comparativement aux spécialités techniques.
Il demeure des possibilités de progrès en matière d’efficience, comme l'a démontré une nouvelle fois la Cour des comptes. Nous souhaitons un accès de tous à une médecine de qualité, en veillant à ce que chaque euro dépensé le soit à bon escient. C’est possible en améliorant la formation initiale et la formation continue, en mettant en œuvre les référentiels de bonnes pratiques, en assurant évaluation et contrôle. Il existe des marges de manœuvre très importantes.
Mais cette année, le problème majeur est celui de la dette, du déficit et du financement de celui-ci. Ce déficit très important ne provient pas d'un dérapage des dépenses mais d'un effondrement des recettes lié à la crise.
L'année dernière, monsieur le ministre du budget, alors que la crise était déjà présente, j’avais d’ailleurs émis de grands doutes sur vos prévisions et votre proposition quelque peu surréaliste du transfert de 0,3 % des cotisations UNEDIC vers la branche retraite, et j'avais regretté le transfert d'une partie de la CSG du FSV vers la CADES, avec pour conséquence de mettre le FSV en déficit. En 2009, le déficit, en y incluant celui du FSV, sera donc pour les régimes de base au minimum de 26,5 milliards et, en 2010, de 35,1 milliards, soit au total 61,6 milliards d'euros!
Vous ne proposez pas de financer ce déficit, mais d'autoriser l'ACOSS à emprunter 65 milliards. Pour Les CENTRISTES, cette mesure est déraisonnable. Le conseil d'administration de l'ACOSS n'a pas approuvé cette proposition, par ailleurs dénoncée par la Cour des comptes. Que proposerez-vous l'année prochaine? Quel sera alors le plafond?
Nous sommes tous d’accord pour dire, et c’est une position constante du Nouveau Centre, qu’il n’est pas possible de transférer à nos enfants et a fortiori à nos petits enfants le financement de nos déficits. Chaque génération doit financer ses propres dépenses. La seule solution logique, tout le monde ou presque en convient, est de transférer ces déficits à la CADES, dont c’est la vocation, et d’augmenter la CRDS de 0,2 %. Cette augmentation modeste rapporterait 2,7 milliards.
Monsieur le ministre, une augmentation de 0,2 % ne grèverait guère le pouvoir d’achat, serait à peine visible sur la feuille de paye et permettrait de financer le déficit. D’ailleurs, plusieurs impôts et taxes ont été créés ou augmentés ces deux dernières années, notamment pour financer le RSA. La DRESS vient d’indiquer, pour en rester à la santé, que la part laissée à la charge des ménages directement ou par l’intermédiaire des complémentaires a augmenté, avant la mise en œuvre des franchises médicales, de 1,7 milliard en trois ans.
De plus, dans ce projet de loi, vous proposez divers transferts vers les malades: augmentation du forfait journalier, déremboursements de médicaments. Les CENTRISTES, pour prendre date, a déposé des amendements proposant le transfert du déficit à la CADES et l’augmentation de la CRDS de 0,2 %.
Nous vous demandons également d’augmenter certaines recettes et de revoir certaines niches sociales. Nous souhaitons ainsi que l’ensemble des revenus du travail et du capital participent équitablement au financement de la protection sociale. Les CENTRISTES demande de revoir les exonérations de cotisations sociales qui n’ont pas prouvé leur efficacité en termes d’emploi et qui peuvent constituer des trappes à bas salaires. Nous proposons d’en exclure les entreprises de plus de 2000 salariés en dehors du secteur automobile, de diminuer à 1,50 % du SMIC les exonérations, à l’exclusion des entreprises qui embauchent des jeunes ou des seniors.
Le déficit de notre protection sociale et son financement est, cette année, le problème majeur. Où en serons-nous l’année prochaine? Il est vrai que vous prévoyez une reprise économique rapide et, pour les prochaines années, à partir de 2011, une augmentation de la masse salariale de 5 % par an. Avec l’ensemble des Français, je souhaite que vous ayez raison, mais je me permets d’émettre quelques doutes. Malgré cet optimisme pour les recettes, le déficit annuel des régimes de base demeurerait à 30 milliards d’euros.
L’essentiel de ce projet de loi concerne l’assurance maladie, les seules dépenses remboursables par le régime de base. Nous ne discutons pas de la totalité des dépenses de santé du pays qui comprennent les assurances complémentaires, la prévention, l’éducation à la santé.
Nous n’abordons pas non plus les préoccupations majeures de nos concitoyens que sont les problèmes de démographie des professionnels de santé, leur répartition sur le territoire, l’accès des patients à des médecins de secteur 1 et les dépassements d’honoraires. Nous en avons discuté lors de la loi HPST. Les décrets sont en préparation, mais les problèmes demeurent aujourd’hui.
Le paysage va sous doute changer avec la création des ARS et les négociations conventionnelles en cours, dont nous ne pouvons préjuger des conclusions. Quelles seront-elles? Seront-elles applicables en février2010 ou dans un an? Quel sort sera réservé à la permanence des soins, au secteur optionnel?
L’article majeur est donc l’ONDAM. Il est fixé à 162,4 milliards, en augmentation de 3 %, mais seulement de 2,8 % pour la médecine de ville et les établissements. Dans ce contexte économique, une augmentation de 2,8 % est importante. Cependant, l’augmentation tendancielle, depuis de nombreuses années, est de l’ordre de 4 % par an. Respecter cet objectif demandera donc des efforts de tous. Nous savons que des gains en termes d’efficience sont possibles, mais difficiles.
Madame la ministre, permettez-moi d’exprimer un regret. La loi HPST crée les ARS, corrigeant ainsi l’un des défauts majeurs de notre système de santé: la séparation absurde prévention-soins, ville-établissements, sanitaire et médico-social. Un responsable unique de la santé au niveau régional constitue donc, de mon point de vue, un progrès important. Mais alors, pourquoi conserver des sous-objectifs nationaux pour la ville, les établissements, le médico-social? La logique voudrait que l’on vote des objectifs régionaux calculés selon des critères objectifs et confiés aux ARS.
Nous y viendrons un jour, mais pourquoi attendre? D’ailleurs, Pierre Méhaignerie y est, semble-t-il, tout à fait favorable.
Les dépassements d’honoraires deviennent un problème majeur et insupportable, surtout lorsqu’ils sont excessifs, ce qui arrive. Dans certaines régions, et pour certaines spécialités, les patients ne peuvent avoir accès à des praticiens de secteur 1. Ce problème serait sans doute moins aigu si les revalorisations des actes avaient suivi le coût des charges.
Dans la loi HPST, un amendement dont j’étais cosignataire, avec notamment Yves Bur et Jean-Pierre Door, avait laissé jusqu’au 15 octobre aux partenaires conventionnels pour mettre en œuvre le secteur optionnel prévu depuis 2004. Un protocole a été effectivement signé le 15 octobre. Le secteur optionnel n’est pas la panacée. Il ne concerne pas les spécialités cliniques. Il prévoit le financement des dépassements par les complémentaires. Mais le secteur 2 demeure et la date de mise en œuvre du secteur optionnel est repoussée à l’élaboration de la convention, à sa conclusion, à son agrément, c’est-à-dire à de nombreux mois.
Madame la ministre, prévoyez-vous une date limite pour prendre l’arrêté prévu dans la loi? Souhaitez-vous que les mesures de prévention, de bonnes pratiques, de meilleur suivi des patients contenues dans le CAPI soient inscrites dans la convention pour que ces mesures logiques et souhaitables deviennent une obligation pour tous les professionnels?
Ne pensez-vous pas qu’il serait judicieux, comme le propose Les CENTRISTES, que le forfait journalier soit indexé sur l’inflation? Trouvez-vous équitable et politiquement souhaitable de fiscaliser les indemnités journalières des victimes d’accidents du travail?
Pour tenter de respecter l’ONDAM 2010, la CNAM a proposé un plan d’économies de 2,2 milliards. Parmi ces mesures, le directeur général propose de développer la chirurgie en cabinet avec un cahier des charges précis. Je pense notamment à la cataracte – 480000 interventions par an – qui ne nécessite le plus souvent qu’une anesthésie locale par collyre. Cette pratique est autorisée sans augmenter la morbidité dans la quasi-totalité des pays. Allez-vous l’autoriser et accéder à la demande de la CNAM?
La dispensation des médicaments en EHPAD pose des problèmes de sécurité. La PDA sous blister constitue un réel progrès. Un décret est prêt depuis le printemps. Va-t-il sortir? Ne pensez-vous pas qu’il serait judicieux de l’étendre aux personnes âgées dépendantes à domicile?
Pour la santé, nous aurons, au cours du débat sur les articles et les amendements, l’occasion d’évoquer d’autres sujets, mais la loi de financement concerne aussi les branches famille et retraite. Je ne reviens pas sur les remarques de la Cour des comptes concernant la certification des comptes, convaincu que les efforts sont en cours pour tirer les conséquences de ses observations et remédier aux insuffisances qu’elle relève.
La branche famille est, si j’ose dire, le parent pauvre de cette loi de financement qui ne lui consacre que deux articles et une seule proposition nouvelle, relative au prêt à l’amélioration de l’habitat des assistantes maternelles. Cette amélioration, certes modeste, est la bienvenue. Il est vrai que, dans cette période économiquement difficile, le moment n’est pas à des largesses nouvelles et que la politique familiale de notre pays est plutôt exemplaire.
Pour la branche vieillesse, en revanche, nous avons de nombreuses interrogations. La première est celle de la revalorisation des retraites qui doit intervenir en avril. A quel niveau est-elle envisagée?
Surtout, le problème qui se pose clairement est celui de l’avenir de notre système de retraite basé sur la répartition, auquel nous sommes tous très attachés. Soumis à l’allongement de la durée de vie le plus souvent en bonne santé, au papy boom, à la diminution des recettes, il est fragilisé. Une mise à plat après les réformes précédentes, importantes mais incomplètes, est prévue en 2010. Nous aurons l’occasion d’en discuter. Je vous rappelle dès à présent les propositions très claires du Nouveau Centre: un régime universel géré en toute responsabilité par les partenaires sociaux, à points, avec mise en extinction des régimes spéciaux, la valeur d’achat et de liquidation du point équilibrant financièrement le régime.
Il sera également nécessaire d’avancer dans les deux domaines majeurs que sont la pénibilité du travail et l’employabilité des seniors.
Cette nouvelle réforme sera l’occasion de réexaminer les difficultés des veuves, des conjoints survivants. Certains, surtout les jeunes veuves, connaissent de grandes difficultés. Il convient certes d’augmenter le pourcentage, le taux de la pension de réversion, mais surtout d’augmenter le plafond des ressources, car c’est bien lui qui limite le niveau de la réversion et non le taux. Il conviendrait également de se pencher sur le sort des orphelins, bien différent de celui des enfants de divorcés.
Ce projet de loi propose de modifier la retraite des mères de famille. Actuellement, la majoration de la durée d’assurance de deux ans par enfant dans le régime général constitue une juste compensation. Malgré cette bonification, la retraite moyenne des femmes est inférieure de 38 % à celle des hommes.
L’arrêt récent de la Cour de cassation obligeait à modifier la législation. La proposition est satisfaisante, même si elle n’est pas parfaite. Il demeure quelques interrogations dans la pratique, notamment le délai d’option.
Il reste à évoquer le problème de la dépendance, défi majeur qu’il nous faut relever. Certes, chaque année, et ce sera encore le cas en 2010, nous créons de nouvelles places de service à domicile et en établissement. Mais le problème majeur est le coût financier laissé à la charge des familles. Un projet de loi nous sera-t-il soumis en 2010? Irons-nous, comme beaucoup le souhaitent, vers la création d’un cinquième risque faisant appel à la solidarité nationale, ou vers un système d’assurance dépendance?
J’aurais voulu aborder beaucoup d’autres sujets, mais le temps limité dont je dispose ne me le permet pas. Je veux cependant rappeler que si nous pouvons aujourd’hui discuter de la protection sociale à l’Assemblée, nous le devons à Alain Juppé. C’est, de mon point de vue, un progrès majeur et une avancée de la démocratie. Il faudra aller plus loin et pouvoir discuter aussi des assurances complémentaires. Comment se contenter de parler des seules dépenses remboursables par le régime général de base et ne pas évoquer l’ensemble des dépenses de santé du pays!
Nous aurons l’occasion, au cours des débats, de reparler de ces problèmes importants, notamment de la dette sociale, qu’il nous faudra bien entendu financer. Je vous remercie par avance, madame et messieurs les ministres, de votre écoute. Je ne doute pas que vous serez attentifs à nos amendements. En les adoptant, nous pourrons améliorer ce projet de loi…
…et nous n’aurons alors aucun problème pour le voter.