Pierre Maurin, entrepreneur dans les ressources humaines, spécialiste des questions économiques, sociales et d'emploi, nous livre ses propositions pour aider notre pays à retrouver le chemin de la croissance. Tribune à retrouver également dans Économie Matin :
L’élection d’Emmanuel Macron en 2017 a provoqué un vent d’optimisme durant les premiers mois en France et un regain de confiance chez les entreprises et les ménages. Il en est de même au niveau international, lors du discours de Davos, le nouveau Président avait même proclamé le fameux « France is back » pour assurer le service après-vente de ses nouvelles réformes : réforme de la fiscalité sur le capital, suppression des cotisations salariales sur l’assurance maladie et sur l’assurance chômage, réforme du droit du travail, poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés… auprès des grands dirigeants de ce monde.
Quelques chiffres
L’année 2017 s’était terminée sur une croissance de 2,2%, du jamais-vu depuis 2007, avec un rythme trimestriel de 0,7% et un déficit public en dessous de 2,6 % du PIB en 2017, soit en deçà du seuil des 3 % exigés par les traités européens. Tous les indicateurs étaient au vert en début d’année, y compris le chômage qui avait quitté la barre des 10% pour se rapprocher des 9%...
Toutefois, la machine a peu déraillé, avec une croissance en berne au cours du premier semestre 2018 (0,2% sur chaque trimestre), ce qui nous placera assez loin de l’objectif des 2% (probablement autour de 1,5%) et va donc réduire la marge de manœuvre sur la baisse du déficit public…. Le Ministre de l’économie peut seulement promettre que nos déficits publics seront en dessous de 3% en 2018 et 2019. Le chômage reste autour des 9%, l’inversion de la courbe se fait attendre et les objectifs de 7% pour 2022 sont loin d’être atteignables.
Les raisons de ce bilan en demi-teinte
Les raisons liées à cette décélération de la croissance s’expliquent tout d’abord par la hausse des prélèvements et notamment de la CSG opérée sur les revenus du capital, du travail et sur les pensions des retraités. Le gouvernement a justifié cette hausse par la suppression des cotisations salariales sur le chômage et l’assurance maladie. Cette hausse de la pression fiscale a eu un impact sur la consommation en France qui a pesé à son tour sur la croissance. Les dépenses des ménages ont reculé de 0,1%. Par ailleurs, la baisse des cotisations sociales a eu lieu en deux temps, ce qui a eu créé de la déception chez certains salariés qui n’en ont pas perçu de réels effets positifs sur leur feuille de paie...
Le gouvernement a pensé qu’avec quelques mesures phares en faveur des entreprises et un pseudo politique de l’offre, il allait faciliter le retour à une croissance mais il a sous-estimé les effets liés à la hausse des prélèvements pour satisfaire aux objectifs de Bruxelles sur la limitation du déficit public. Quant aux autres mesures, elles mettront plus de temps à avoir un impact sur la croissance, il en est ainsi de la réforme du marché du travail, comme de celle de la réforme de la formation professionnelle ou du plan d’investissement des compétences, ses effets seront visibles au mieux à la fin du quinquennat…
Quelles marges de manœuvre pour le gouvernement ?
Elles sont limitées en réalité même si elles existent. Toute baisse des prélèvements obligatoires, même si elle serait salutaire et nécessaire, notamment les charges sociales salariales et patronales qui restent les plus élevées est illusoire dans un contexte de limitation du déficit public à 3%. Elles ne peuvent s’opérer qu’en début de quinquennat, dans le cadre d’une politique économique globale. Aujourd’hui, la seule solution, c’est la réintégration du CICE en baisse des charges pérenne et contrairement à ce qu’a prévu me Ministre de l’Economie il faudrait maintenir le nouvel allégement de 4 points supplémentaires des cotisations sociales au niveau du smic pour toutes les entreprises dès 2019.
La loi Pacte vise à créer des conditions favorables pour la croissance des entreprises. Toutefois, le texte un peu fourre-tout va concerner à la fois la durée des soldes, l’expérimentation de véhicules autonomes, la levée de fonds en cryptomonnaie, les privatisations d’ADP (ex-Aéroports de Paris) et de la Française des jeux, la simplification des seuils d’effectifs, l’extension de l’intéressement et de la participation… Ce sont des avancées positives mais elles auront plutôt une portée symbolique, plutôt que de créer une dynamique de croissance significative.
La baisse des effectifs publics serait une piste à étudier, pour l’instant pour baisser les dépenses de l’Etat et entraîner une nouvelle baisse des prélèvements qui favoriserait la compétitivité de nos entreprises, mais nous sommes loin de l’objectif affiché en début de quinquennat de baisse des effectifs à hauteur de 120 000. En réalité, il faudrait les baisser à hauteur de 300 000 avec une redéfinition du périmètre de l’état, avec la digitalisation de certains services permettant d’accroître la productivité globale et donc d’absorber plus facilement ces réductions. Ce chantier devrait réunir à la fois l’Etat mais aussi les collectivités locales, autour d’un grenelle de la fonction publique, avec un objectif de se rapprocher de la médiane de nos voisins européens (en l’occurrence 60 fonctionnaires pour 1000 habitants alors que nous en comptons 80 actuellement).
Le vrai pragmatisme serait aussi de lancer des expériences pilote, comme la mise en place d’opérateurs privés dans les régions privés pour accompagner les demandeurs d’emploi à la place de POLE EMPLOI. Le gouvernement serait innovant en fonctionnant en mode projet sur des populations cibles avec une rémunération des acteurs privés combinant une partie fixe et une partie variable (paiement à la performance). Toujours dans cette logique de projets, instituer un crédit d’impôt pour toute personne qu’elle soit salariée ou à la recherche d’un emploi abondant à son initiative son Compte Personnel de formation permettrait de renforcer son employabilité et de mieux lutter contre le chômage. On pourrait multiplier les exemples, avec la création ou le développement de fonds d’investissement en région avec le succès de Normandie Participation participant au dynamisme d’un territoire et à son développement aux côtés des autres acteurs locaux et nationaux du financement. Le bilan de Normandie Participation est très positif, cette structure joue un rôle moteur dans la mobilisation de l’écosystème financier en région autour des porteurs de projets. Elle a accompagné déjà plus de 30 sociétés pour un montant global proche de 20 millions d’euros, avec une réussite exceptionnelle comme REMADE spécialisée dans le reconditionnement des téléphones mobiles.
Plus globalement, le gouvernement devrait faire preuve de plus d’empathie et d’une logique plus collaborative vis-à-vis des forces économiques et des collectivités locales, notamment les régions. Il devrait favoriser une logique de cocréation d’expériences pilote avec les territoires notamment en matière d’emploi, de formation professionnelle et d’investissements. Mises bout à bout, toutes ces initiatives créeront de l’engagement et finiront par générer plus de croissance.