Secrétaire national de notre parti à la sécurité et à l'emploi, Pierre Maurin nous livre son analyse sur l'accord commercial passé entre l'Union européenne et le marché commun des pays d'Amérique du Sud (Mercosur).
UN ACCORD UE/MERCOSUR CONTROVERSÉ.
Tout au long de la campagne européenne, le sujet du libre échange a fait l’objet de débats très controversés entre les partisans du libre-échange que l’on retrouvait en majorité au sein de la liste Renaissance et les adversaires des traités de libre échange qui étaient très nombreux parmi les écologistes, les socialistes, la France Insoumise et les souverainistes parmi lesquels Debout la France et le Rassemblement National.
Les seuls à proposer une approche réaliste sur cette question, étaient les candidats de la liste d’union de la droite et du centre, avec quelques propositions en propositions en faveur d’une refonte de la politique de négociations commerciales de l’Union européenne :
- Tout d’abord renforcer le contrôle des produits importés pour vérifier qu'ils respectent nos normes de sécurité, sanitaires et environnementales, et alléger les contrôles sur les producteurs européens qui respectent déjà les standards les plus élevés du monde.
- Ensuite, pour tous les accords commerciaux envisagés ou en cours de négociation par la Commission européenne, imposer la « compétence mixte » qui permet de rendre obligatoire la consultation des parlements nationaux sur l’accord conclu.
- Imposer également pour tous ces accords, une évaluation automatique tous les 5 ans, avec une clause de revoyure de l’accord si celui-ci s’avère défavorable à l’Union ou à certains de ses Etats membres.
- Actualiser les mandats de négociations commerciales de l’UE avec des pays-tiers, dont certains datent de plusieurs années (comme celui avec le Mercosur auquel nous n’étions pas favorables), afin de s’adapter aux réalités économiques actuelles pour défendre efficacement nos intérêts.
- Négocier la stricte réciprocité dans l’ouverture des marchés publics avec nos partenaires étrangers.
On le voit bien aujourd’hui, nos propositions n’ont pas été et ne seront pas prises en compte et la commission en toute fin de mandat a décidé de forcer la main et de signer un accord controversé deux jours avant le sommet européen et cinq jours avant l’entrée en fonction du nouveau parlement européen.
L’accord commercial entre l’UE et le Mercosur qui vient d’être finalisé instaure l’élimination de nombreux droits de douane. Les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) vont supprimer 91% des droits de douane sur des produits européens, tandis que l’Union européenne en fera de même avec 92% des taxes sur des produits sud-américains.
Cet accord est certes favorable à nos industriels français et européens, avec une élimination progressive des droits de douane sur les voitures, les équipements industriels, les produits pharmaceutiques et les produits chimiques. Certains de nos produits agricoles comme le vin, les chocolats ou les olives seront aussi privilégiés.
La France est le deuxième fournisseur de biens et de services du Mercosur parmi les pays de l’Union européenne (derrière l’Allemagne), notre pays exportant chaque année environ 6 milliards d’euros de biens et quelques 3 milliards d’euros de services vers le Mercosur. Vis-à-vis du Mercosur, elle est le premier exportateur européen dans l’aéronautique, le second exportateur de services, le troisième exportateur de produits pharmaceutiques, chimiques et de produits de la plasturgie.
Mais nous risquons une arrivée très importante d’autres produits agricoles ne respectant pas les normes environnementales et sécuritaires en vigueur au sein de l’Union Européenne, il en est ainsi des 99 000 tonnes de bœuf par an avec des droits de douane très préférentiels, des 180.000 tonnes pour le sucre et des 100.000 tonnes pour les volailles. D’un côté, nous aurons des produits peu onéreux avec des quantités élevées d’antibiotiques utilisées comme hormones de croissance assorties de déforestation et d’un autre côté, nous aurons toujours plus de normes environnementales. Quelle est la logique dans tout cela ?
En terme de santé, comment pouvons-nous affirmer comme la Commission européenne que les normes de sécurité alimentaire en vigueur sur le Vieux Continent ne seront pas modifiées, qu’il s’agisse des produits européens ou des produits importés ? On évoque même le "principe de précaution" qui est aussi encore plus discutable.
Les agriculteurs français et européens se sentent un peu trahis dans cet accord qui les met face au pied du mur et qu’ils perçoivent comme une forme de concurrence déloyale. Des agriculteurs qui sont déjà très touchés par la guerre des prix dans la distribution en France, avec des revenus très faibles (entre 10.000 et 12.000 euros en moyenne en 2018, selon la Fédération nationale bovine) et qui subissent la pression de mouvements végan radicaux…. Le Copa-Cogeca, principal syndicat agricole dans l’UE, s’insurge contre "une politique commerciale à double standard", qui accroît "le fossé entre ce qui est demandé aux agriculteurs européens et ce qui est toléré des producteurs du Mercosur". Pour toute réponse, la commission européenne par la voix de son commissaire à l’agriculture Phil Hogan promet des aides financières…
Par ailleurs, l’attitude du Brésil par la voix de son Président Jair Bolsonaro sur les questions d’environnement, l’usage intensif des pesticides dans le pays, et la complicité dans le phénomène de déforestation massive du pays sont des questions qui préoccupent les consommateurs européens. L’engagement à respecter l’accord de Paris sur le climat a-t-il servi de monnaie d’échange et permis la finalisation de cet accord ? Si c’est le cas, il est urgent de s’interroger sur les conséquences de cet accord sur la pérennité de notre politique agricole commune qui a permis de lutter efficacement contre la pénurie alimentaire, de moderniser le secteur agricole et de garantir une meilleure sécurité alimentaire pour tous.
Le Président Emmanuel Macron souhaite lancer une évaluation indépendante sur cet accord qu’il trouve bon, reste à voir sous quelle forme sera menée cette évaluation indépendante, qui la pilotera et quels sont les recours possibles en cas d’affaiblissement prononcé de notre filière agricole. Négociation acceptable ou mauvais compromis, l’avenir nous dira si le Président a eu raison de se féliciter de cet accord….
De notre côté, si nous devions souscrire à l’accord UE Mercosur, c’est avec la garantie que les assiettes de millions d’enfants et de citoyens français et européens disposeront toujours d’une alimentation sûre et saine. La sécurité alimentaire est un bien trop précieux pour être soumis uniquement au libre-échange. Notre rôle est de soutenir et de protéger nos concitoyens et de combiner sécurité alimentaire, et transition écologique pour les générations futures.
Pierre MAURIN,
Entrepreneur,
Secrétaire national Les Centristes à l'économie et à l'emploi.