18.04.2016

"Pourquoi nous sommes opposés au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu" par Philippe Vigier

Le gouvernement souhaite introduire le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et reporter sa collecte sur les entreprises. 

L'UDI y est opposée pour deux raisons : d'abord, parce que nous voyons dans la retenue à la source la première étape vers une fusion de l'impôt sur le revenu avec la CSG, qui va peser sur les classes moyennes ; ensuite, parce que nous considérons que les entreprises n'ont pas à endosser le prélèvement fiscal, alors même qu'elles croulent déjà sous une multitude de contraintes administratives qui nuisent à leur compétitivité.

En France, l'imposition sur le revenu fait coexister deux impôts aux assiettes et aux modalités très différentes : l'un est progressif, l'autre proportionnel. Comme le souligne le Conseil des prélèvements obligatoires, leur fusion soulèverait de nombreuses difficultés, à commencer par la nécessité de transposer, pour des raisons constitutionnelles, les caractéristiques de l'impôt sur le revenu à la CSG (familialisation, prise en compte du revenu global...). Loin de réduire la progressivité de l'impôt, celle-ci serait étendue aux prélèvements sociaux : le gouvernement devra s'attendre à un rejet de la part de tous ceux qui contribuent au système de protection sociale. 

Par ailleurs, la décision de charger les entreprises du prélèvement est loin d'être optimale : le coût pour les employeurs va représenter de 1.3% à 3.5% de la valeur des impôts collectés (CPO). Le ministre du budget assure vouloir "éviter quelque chose de compliqué". Rappelons à Michel Sapin que les employeurs jouent déjà le rôle de tiers payeurs avec les charges sociales, qu'en cas d'erreur sur la collecte ils risquent d'être tenus pour responsables et que les investissements informatiques ne feront qu'ajouter aux difficultés que connaissent aujourd'hui les entreprises. 

On comprend l'enjeu financier puisque le taux de collecte de l'impôt sur le revenu s'élève aujourd'hui à 2% - un des prélèvements les moins rentables pour l'administration fiscale. On comprend un peu moins le transfert de ce coût sur les entreprises et l'impasse faite sur les problèmes de confidentialité. 

L'UDI se réjouirait de la retenue à la source - qui peut certainement améliorer l'efficacité de nos politiques budgétaire et fiscale et leur articulation avec les dispositifs sociaux - si seulement elle n'était pas le préalable à une réforme qui va peser sur les classes moyennes et sur les entreprises. 

Du reste, quelle solution la retenue à la source va-t-elle apporter aux problèmes des Français - l'emploi et le pouvoir d'achat ? 

Le gouvernement n'a pas compris que la vraie question n'est pas technique mais sociétale. Qui plus est, en multipliant les régimes dérogatoires pour tenter d'endiguer le ras-le-bol fiscal - auquel il a pourtant largement contribué -, il a sapé le principe d'égalité devant l'impôt et réduit celui de nécessité de l'impôt à un vulgaire vestige de la Révolution. 

Le véritable renouveau aurait résidé dans l'imposition universelle des revenus. Parce que l'impôt est l'expression et la condition même du lien social, aucune réforme fiscale ne pourra aboutir sans intégrer tous les acteurs de la société : l'impôt doit redevenir une cotisation d'adhérent au pacte républicain. 

Au Danemark, tous les citoyens paient des impôts, y compris lorsqu'ils sont étudiants ou demandeurs d'emploi. Ces derniers se disent d'ailleurs très satisfaits de participer au financement d'un État providence qui leur fournit une scolarité gratuite et des aides sociales.

Contribuer, même modestement, à l'effort collectif serait un moyen de redonner une dignité à ceux qui se sentent le plus éloigné de la vie publique. Un enjeu autrement plus important que le mode de recouvrement d'un impôt.

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