11.04.2016

"Comment enfin lutter efficacement contre la fraude fiscale internationale ?" par Charles de Courson

Dimanche 3 avril, Le Monde publiait ses premières révélations sur l’existence de milliers de comptes offshore détenus, entre autres, par divers responsables politiques, des personnalités du monde des affaires, du sport ou bien encore des collectionneurs d’art. Aucun domaine, aucun pays n’échappe à cet engouement pour la fraude fiscale internationale, comme le montre la diversité des clients du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de ce type de sociétés.

Si l’on peut se réjouir des conséquences immédiates de ces informations : ouverture d’enquêtes en France, en Espagne, aux Pays-Bas, en Autriche, en Suède, au Brésil, au Panama ; démission d’un Premier Ministre qui a manqué à ses devoirs les plus élémentaires en Islande ;  reconnaissance de l’importance des lanceurs d’alerte, beaucoup reste à faire. La question qui se pose face à ce scandale des Panama Papers est très simple, et loin d’être neuve : comment enfin lutter efficacement contre la fraude fiscale internationale ?

Remémorons-nous un instant le dernier grand scandale lié à la diffusion d’informations financières par un lanceur d’alerte : l’épisode Swissleaks. C’était il y a un peu plus d’un an seulement, en février 2015, que l’on apprenait qu’un certain nombre de grandes banques, et en particulier la banque HSBC, organisait via ses filiales une évasion fiscale massive. Ce n’était pas une surprise alors, et l’épisode des Panama Papers ne l’est pas davantage. Le nombre de fichiers transmis au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), 11,5 millions, souligne l’ampleur du phénomène.

Pour lutter contre ces réseaux mondiaux de banques et de sociétés organisant la fraude et l’évasion fiscale, il est nécessaire que l’ensemble des pays de l’OCDE se mettent d’accord sur différents outils. Le combat contre la fraude fiscale internationale sera efficace uniquement s’il passe par une action coordonnée au niveau de l’OCDE. Seules, la France et même l’Union européenne ne peuvent rien.

Pourquoi les autorités suisses ont-elles accepté de lever le secret bancaire en 2009 ? Uniquement en raison de la pression américaine ; en effet, le gouvernement des Etats-Unis a menacé la Suisse: « Si vous ne levez pas le secret bancaire, nous interdirons à toutes vos banques et à leurs filiales d'avoir une activité aux Etats-Unis ».

  • Le premier des outils contre la fraude fiscale est la généralisation et la mise en œuvre effective de l’échange automatique d’information, défini par l’OCDE comme « la communication systématique, à intervalles réguliers, de « blocs » de renseignements relatifs à diverses catégories de revenu (dividendes, intérêts etc.), par le pays de la source du revenu au pays de résidence du contribuable »[1]. Les ministres des finances du G20 ont approuvé ce principe le 19 avril 2013, et le 15 juillet 2014 le Conseil de l’OCDE entérinait la norme d’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale. Divers accords ont depuis été signés entre la Suisse et l’Union européenne (27 mai 2015), entre l’Union européenne et Andorre (4 novembre 2015) mais la plupart de ces accords n’entreront en vigueur qu’à partir de 2017 ou 2018. Il nous faudra donc être vigilant sur leur bonne application.
  • Deuxièmement, l’interdiction de monter des structures financières anonymes doit être posée par l’OCDE. La transparence est évidemment le premier élément à renforcer, et l’anonymat tel qu’il est aujourd’hui possible pour certains montages financiers, notamment les comptes offshore, n’est pas acceptable. Le propriétaire de n’importe quel édifice financier doit être identifiable par l’administration fiscale.
  • Enfin, la communauté politique internationale doit se mettre d’accord sur des sanctions efficaces contre les pays inscrits sur la liste noire des paradis fiscaux. La portée symbolique de l’inscription sur cette liste est bien insuffisante, et pour que cette liste ait un effet, les membres de l’OCDE doivent se mettre d’accord sur des sanctions économiques fortes.

La lutte contre la fraude fiscale a permis de recouvrer un peu plus de 12 milliards d’euros en 2015, en France. Un montant significatif face à l’effort nécessaire de redressement de nos comptes publics. Mais la lutte contre la fraude fiscale est avant tout un combat pour faire respecter l’égalité entre les citoyens.

Pour finir, un mot sur les lanceurs d’alerte. Ces hommes et ces femmes courageux permettent de faire avancer, à coup de scandales retentissants, les normes relatives à la transparence dans notre pays. Le projet de loi dit « Sapin II », prévoit à l’article 6 d’améliorer la protection des lanceurs d’alerte, et j’en suis très heureux. La représentation nationale devra se montrer attentive et être force de proposition quant aux modalités de cette protection.

 

[1] OCDE, L’échange automatique d’information, http://www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements-fiscaux/echangeauto...

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