Charles de Courson, député de la Marne et vice-président de la commission des finances à l'Assemblée Nationale et spécialiste de la fiscalité, reproche au Gouvernement de faire du "bricolage" sur les dépenses publiques.
Interview que vous pouvez également trouver dans L'Opinion :
D’où vient la complexité de notre système fiscal ?
L’impôt sur le revenu (IR) rapporte 73 milliards d’euros, en net, déduction faite d’une quarantaine de milliards de niches fiscales qui sont en réalité de la dépense fiscale. Cet impôt devrait donc normalement rapporter plus de 110 milliards. L’impôt sur les sociétés (IS), lui aussi, s’effondre complètement : on l’a miné, en lui imputant le CICE pour 21 milliards. Net des dépenses fiscales, l’IS rapporte seulement 25 milliards d’euros. On utilise donc l’IR et l’IS pour faire de la dépense fiscale, qui est moins impopulaire et se voit moins que la dépense budgétaire. Beaucoup de ministres essayent ainsi de faire passer des dépenses fiscales, car techniquement elles ne sont pas limitatives comme les crédits budgétaires.
De nombreuses dépenses budgétaires sont déguisées en dépenses fiscales : le CICE, le Crédit impôt recherche (CIR), les abattements de 10 % pour frais professionnels accordés aux retraités, le crédit d’impôt sur les économies d’énergie, les emplois à domicile, l’épargne retraite, le Pinel, les dons.... Il y a au moins 400 dépenses fiscales de la sorte, dont une quinzaine représentent 80 % de leur coût. Or la dépense fiscale a dépassé 100 milliards d’euros en 2018, avec en tête le CICE (pour environ 20 milliards). Quand on est à 100 milliards d’euros de niches fiscales, chiffre en constante augmentation et que les recettes nettes du budget de l’Etat sont de 200 milliards d’euros, c’est énorme. Cela n’est pas assez dit et redit.
Quand on est à 100 milliards d’euros de dépenses fiscales, chiffre en constante augmentation et que les recettes nettes du budget de l’Etat sont de 200 milliards d’euros, c’est énorme
Or, il y a une différence entre une perte de recette fiscale estimée versus une dépense budgétaire contrôlée et plafonnée. Par exemple, on prévoit qu’un crédit d’impôt coûtera 100 millions d’euros et trois ans plus tard on se rend compte que c’est 200 millions. Si on doit faire ces dépenses, il faut utiliser la dépense budgétaire ce qui nous donne un impôt clair, lisible, comme la CSG ou la TVA (elle-même encadrée grâce à l’Union européenne).
Le gouvernement arrange-t-il les choses ?
Il n’y a aucune simplification, il y a du bricolage. Le gouvernement veut supprimer la taxe d’habitation (TH), mais ne sait pas comment, et ne la supprimera pas tout à fait, puisqu’elle est maintenue pour les résidences secondaires. L’impôt sur la fortune (ISF) n’est pas supprimé puisqu’il est transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Pour les petites taxes, attendons de voir ce qu’il y a dans la loi de finances.
Le premier problème du gouvernement, qui est énorme, c’est la non réduction des dépenses publiques. Ce n’est pas nouveau mais ça commence à se voir. Il ne réduit pas le déficit, les prélèvements obligatoires baissent fort peu. Le défi n’est pas de s’attaquer aux recettes mais aux dépenses. Si on ne s’attaque pas aux dépenses, il y aura toujours un problème de recettes.
Comment simplifier le système ?
Restructurer un impôt de A à Z est difficile, car il y a des perdants et des gagnants. Or c’est toujours la même chose en démocratie. Les gagnants ne disent rien, mais même si les perdants sont en minorité, vous les entendez. Les réformateurs doivent tenir bon quelques années, et après on leur dira « vous aviez raison ». Certes, la simplification du système fiscal est plus facile à dire qu’à faire. Elle est néanmoins possible. Il faut une politique constante pendant 10 à 15 ans : réduire les dépenses et arrêter de complexifier les deux grands impôts de l’IR et l’IS avec de la dépense fiscale.