Hervé MORIN, Président des Régions de France ; Dominique BUSSEREAU, Président de l'Assemblée des Départements de France et François BAROIN, Président de l'Association des Maires de France, ont rédigé une tribune appelant Emmanuel MACRON à cesser sa politique technocratique et centralisatrice pour laisser enfin les territoires agir !
TRIBUNE
Depuis plusieurs années, les Français et leurs élus constatent que la fracture territoriale et sociale n’a jamais été aussi grande dans notre pays, alors que les communes, départements et régions occupent une place fondamentale dans le rapport entre l’État et les citoyens.
En 2017, avec l’élection d’Emmanuel Macron, l’immense majorité des élus locaux, de toutes tendances politiques confondues, attendait avec bienveillance l’avènement d’une nouvelle relation entre l’État et les collectivités. Aujourd’hui, cet espoir est déçu et nous n’avons plus confiance.
L’exécutif nous annonçait un pacte girondin, seul à même en effet de réconcilier les décisions avec les réalités en rapprochant les deux. Nous voyons de plus en plus clairement réapparaître un pouvoir technocratique et centralisateur. Jamais depuis 1982 la décentralisation n’a été autant en danger !
Notre système centralisé pompe l’énergie des Français alors même qu’il devrait au contraire être celui qui leur en donne. Notre système de gouvernance publique n’est définitivement plus adapté au monde nouveau, horizontal, partenarial, multipolaire, celui des réseaux et des projets, celui des gouvernances agiles. Le problème n’est pas une querelle de pouvoirs mais le respect des équilibres institutionnels. C’est un enjeu de démocratie. Les territoires les plus fragiles, quartiers, territoires ruraux, centres-bourgs, sont sacrifiés par une politique déconnectée des réalités du pays. Pourtant, toutes les nations qui réussissent et se modernisent ont un rapport respectueux avec l’ensemble de leurs collectivités locales.
Le gouvernement a décidé la mise sous tutelle financière des collectivités mais ne s’impose pas les mêmes efforts. Les collectivités locales vont contribuer dans les cinq années à venir, 2018-2022, à un désendettement de la France à hauteur de 50 milliards, alors que l’État va accroître l’endettement du pays de 330 milliards d’euros. L’État accroît ses effectifs de 25 000 postes alors même que les collectivités les réduisent de 7 000.
La capacité des collectivités à investir demain au service de la population risque d’être gravement entravée par la quasi-suppression de la taxe d’habitation et par la mise sous tutelle financière des grandes collectivités.
En effet, la contractualisation financière proposée par l’État aux collectivités afin d’encadrer le niveau de leurs dépenses souffre des travers habituels de l’État : absence de dialogue réel, stigmatisation des collectivités préjugées dépensières, injonctions paradoxales entre les économies demandées aux collectivités et les dépenses publiques locales qu’il leur prescrit, mépris du rôle et de la place des communes.
Parallèlement, l’État impose un transfert de charges sur les départements de près de 11 milliards d’euros sur les allocations individuelles de solidarité (RSA, revenu de solidarité active, APA, allocation pour les personnes âgées, CPH, prestation de compensation du handicap) et les mineurs non accompagnés, qui relèvent pourtant de la solidarité nationale, et annonce le retrait brutal d’un début de solution trouvée avec les départements.
Pour la première fois en trente ans, l’État opère la recentralisation d’une compétence, l’apprentissage, et alors même que le nombre de contrats d’apprentissage atteint un niveau record sur les onze derniers mois.
L’État ne respecte pas ses engagements dans les contrats de plan État-régions ni dans le cofinancement des investissements avec les départements, les intercommunalités et les communes.
Enfin, la mise hors jeu des communes dans les politiques publiques essentielles à l’aménagement et au développement des territoires est systématique. Elles se voient retirer des compétences fondamentales dans l’exercice de politiques publiques indispensables à la cohésion sociale.
Une politique différente, respectueuse des Français et de leurs élus locaux est pourtant possible. Elle passerait par un effort de rétablissement des comptes publics équitablement partagé entre l’État et les collectivités locales. Elle impliquerait la fin de l’unilatéralisme des discussions gouvernementales et le respect par l’État de sa propre parole. Elle supposerait que les collectivités locales puissent maîtriser véritablement leurs ressources propres afin d’avoir les moyens d’agir pour l’intérêt général, au plus près de leurs habitants. Nous demandons le respect des principes essentiels de la République décentralisée : la libre administration des collectivités territoriales et leur autonomie financière et fiscale.
Jamais un gouvernement n’a autant évoqué le dialogue, la consultation et la concertation. Jamais un gouvernement n’a été, quant aux décisions, aussi sourd et éloigné de nos besoins.
Nous avions sincèrement souhaité cette nouvelle forme de dialogue. Nous y avons pris toute notre part, voulant contribuer à sa réussite. Nous déplorons qu’elle soit simplement utilisée par le gouvernement pour nous faire constater nos désaccords et non pour rechercher des solutions acceptables et partagées.
C’est cet artifice que nous dénonçons aujourd’hui avec peine mais avec gravité car ce sont les Français qui en pâtiront d’abord.
Hervé MORIN, président de l'Association des Régions de France ;
Dominique BUSSEREAU, président de l'Assemblée des Départements de France ;
François BAROIN, président de l'Association des Maires de France.