Nous l’avions pressenti et redouté. Lorsqu’il y a 2 semaines, j’écrivais la chronique « les racines d’un référendum dangereux », nous avions bien perçu la montée de l’euroscepticisme.
Jusqu’au bout de cette interminable campagne, nous avons espéré. Espéré que le bon sens populaire anglais réagirait aux torrents de mensonges déversés contre l’Europe par la presse tabloïd anglaise (4 millions d’exemplaires par jour), espéré que le choc créé par l’assassinat de Jo Cox, députée travailliste pro-européenne, serait salvateur pour le « REMAIN », espéré que les derniers sondages de mercredi soir favorables au « REMAIN » seraient confirmés.
Et puis, jeudi matin, le choc du BREXIT (51,9% pour le « LEAVE »). Tous les hommes et les femmes engagés politiquement en faveur de la construction Européenne (dont nous –Centristes – faisons bien entendu partie) ont reçu une grosse gifle suivie d’une douloureuse gueule de bois.
On peut comprendre tout cela, mais il est de la plus grande importance que les pro-européens ravalent vite leurs larmes et leurs colères, relèvent la tête et le défi posé par le BREXIT et repartent au combat.
Réfléchir politiquement sur la décision de BREXIT prise par le peuple Britannique, c’est d’abord ne pas s’enfermer dans certaines impasses.
Le vote de jeudi dernier est incontestablement démocratique : engagement de campagne du Premier Ministre, campagne électorale suffisamment longue et contradictoire, participation élevée : 72%. Le peuple Anglais a donné un mandat électoral clair et démocratique à ses gouvernants pour qu’ils négocient leur départ avec l’Union européenne. La légitimité des futurs gouvernants britanniques à mettre en œuvre ce départ est incontestable et ne doit pas être contestée par des militants démocrates. Le peuple a donné un mandat de départ de l’Union européenne à ses représentants. Seul le peuple souverain peut le reprendre.
Pour nous les choses sont claires : les élections démocratiques produisent de la légitimité à gouverner. En aucun cas, elles ne peuvent prétendre produire mécaniquement de la vérité. La vérité, c’est un tout autre impératif moral et les faits seront têtus notamment pour ceux qui ont délibérément menti sur les graves conséquences que va devoir affronter le Royaume-Uni : indépendance de l’Ecosse, réunification de l’Irlande, droits de douane pour entrer dans le marché commun, monnaie affaiblie cible des spéculateurs.
Relever la tête pour les pro-européens, c’est d’abord produire une analyse politique pertinente pour expliquer la progression de l’euroscepticisme partout en Europe. Les raisons profondes de ce désamour européen sont, à mon avis, les crises sociales et migratoires.
Crise sociale d’abord : l’Europe ne protège pas assez les plus fragiles de nos sociétés, ni contre le chômage, ni contre la précarité matérielle des plus modestes d’entre nous.
Crise migratoire, enfin : l’Union européenne a été dépassée et s’est trouvée incapable d’assurer à la fois l’étanchéité des frontières Européennes et l’assistance aux réfugiés qui fuyaient la guerre civile en Syrie ou en Irak.
Avant de rentrer dans la complexité technocratique, il faudra d’abord construire un projet politique qui réponde à ces deux défis sociaux et migratoires qui minent nos concitoyens les plus modestes.
Après, mais après seulement, on pourra parler de premier, de deuxième et de troisième cercle d’Etats-membres en fonction de leur volonté à résoudre efficacement ces deux familles de problème.
Soyons résolument optimistes, pas béats.
Le chemin vers un tel projet Européen se dessine déjà dans la pensée de rares hommes d’Etat comme Valéry Giscard d’Estaing. Prenez le temps de l’écouter demain lundi 27 juin à 18h sur la page Facebook d’Hervé Morin. Selon lui, L’Europe devra se réorganiser en trois cercles concentriques :
- Un premier cercle « politique » de pays acceptant la perspective d’une Europe fédérale et celle d’une intégration sociale et fiscale : qui pour ce premier cercle ? L’Allemagne et la France seules ? Les 6 pays fondateurs de l’Union européenne ?
- Un deuxième cercle correspondant aux pays de la zone Euro (19 pays) acceptant les politiques économiques et budgétaires communes exigées par la monnaie unique
- Un troisième cercle (les 27 pays de l’Union) pour le marché et le droit communs européens.
Il paraît qu’en chinois le mot « crise » signifie à la fois « danger » et « opportunité ».
Alors oui, faisons du BREXIT britannique une vraie crise « chinoise ».
Soyons mobilisés pour éviter les dangers qu’il a fait naître et soyons audacieux pour construire, à l’occasion des opportunités qu’il créera l’Europe neuve du XXIème siècle dont nous avons tous besoin.