Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,
Pour Les CENTRISTES, la réforme des retraites est indispensable. Elle est indispensable pour sauvegarder notre système de retraite basé sur la répartition et pour donner confiance à nos jeunes qui ont l’impression de cotiser aujourd’hui tout en étant persuadés de ne pas bénéficier demain de droits à une future retraite.
Cette réforme est nécessaire en raison de trois facteurs principaux :
• le papy boom : à partir de 1945, on compte 800 000 naissances contre 450 000 les années précédentes. Ces générations nombreuses arrivent aujourd’hui à l’âge de la retraite ;
• l’augmentation de la durée de vie d’environ 1 trimestre par an, ce qui est une très bonne chose, mais qui a bien entendu pour conséquence une augmentation de la durée de versement de la prestation retraite ;
• mais aussi des recettes constituées pour l’essentiel par les cotisations liées aux salaires et donc dépendantes de la croissance, de la masse salariale de l’emploi et du chômage.
Les prestations retraite pèsent 13 % du PIB et le déficit du seul régime général pour 2010 se monte à 10 milliards d’euros.
Les travaux du COR, dont personne ne conteste le sérieux, aboutissent à une conclusion alarmante. Les projections démographiques ne peuvent être mises en doute puisque les futurs retraités de 2020, 2030, 2050 sont déjà nés ! Malgré des estimations économiques plutôt optimistes, un taux de productivité de 1,5 % et un chômage à 7 %, le besoin de financement pour les 5 régimes principaux serait de 48,8 milliards en 2020.
Par conséquent, compte tenu de ces données, la réforme de notre système de retraite est indispensable si nous voulons assurer sa pérennité. Un consensus devrait d’ailleurs pouvoir être obtenu, ce qui est le cas dans de nombreux pays.
Pour Les CENTRISTES, la réforme pour être réussie et acceptée, doit répondre à 5 critères :
• affirmer notre attachement à la retraite par répartition, modèle de solidarité intergénérationnelle puisque ce sont les actifs qui paient pour les retraités, la solidarité nationale assurant par ailleurs le non contributif correspondant aux accidents de la vie par l’intermédiaire du FSV financé par la CSG aujourd’hui déficitaire de 4 milliards. Je voudrais d’ailleurs insister sur un point qui me paraît curieux. Tout le monde défend le principe de la répartition, mais réclame d’autres financements par des impôts et taxes. Il y a là une certaine contradiction et une évolution vers l’étatisation s’éloignant du principe de la répartition. Pourquoi pas ? Mais il convient d’en avoir conscience ;
• le 2ème critère auquel Les CENTRISTES est attaché est de proposer une réforme permettant l’équilibre financier à terme. Nous ne souhaitons pas nous arrêter au milieu du gué ;
• le 3ème critère fondamental est de proposer une réforme juste et équitable. Aujourd’hui, nous comptons 38 régimes obligatoires de base et complémentaires inégalitaires en terme de durée de cotisation, de taux de cotisation, de niveau de prestation. La réforme, pour être acceptée de nos concitoyens, doit aller vers une simplification, un régime unique faisant appel au même effort pour tous. Les CENTRISTES, j’y reviendrai, demande une réforme dite systémique, un régime universel à points ou à comptes notionnels avec mise en extinction des régimes spéciaux. Ne pas saisir cette occasion pour engager cette réforme est une grave erreur. J’entends bien qu’il faut du temps pour la mettre en œuvre. Les Suédois ont mis 12 ans pour la réaliser. Donc, il y a urgence pour l’engager ! J’entends bien qu’un changement systémique ne résout pas les problèmes financiers d’un coup de baguette magique, mais il y contribue puisque par définition un système par point définissant la valeur d’achat et de liquidation du point assure l’équilibre ;
• le 4ème critère est de donner à chacun la liberté de choix de départ à la retraite, ce que permet justement un système par points ;
• le 5ème critère enfin, très important, est de régler, d’améliorer l’employabilité des seniors, la pénibilité, les petites retraites et la situation des veuves et celle des polypensionnés.
Voilà les principes auxquels Les CENTRISTES est attaché.
Messieurs les Ministres, vous nous présentez un projet qui a l’ambition d’aboutir à l’équilibre en 2018, sauvegardant notre système de retraite et qui amorce un certain rééquilibrage entre le privé et les fonctionnaires.
La réforme sera progressive, très progressive. Elle ne touche pas aux retraites liquidées, maintenant le niveau des pensions.
Les 2 mesures principales concernent l’augmentation de la durée d’activité pour une retraite à taux plein et l’utilisation du fonds de réserve des retraites (FRR).
Les CENTRISTES approuve le principe de ces 2 mesures.
Dans la mesure où la retraite par répartition dépend de données démographiques, il est juste d’en tenir compte. L’espérance de vie augmentant, la durée de versement de la prestation retraite augmente. Il est logique dans ces conditions de relever progressivement l’âge auquel il est possible de demander la liquidation de sa retraite. Tous les pays européens ont des âges de départ à la retraite plus tardifs que chez nous.
Cette augmentation sera de 4 mois par an à partir du 1er juillet 2011 pour atteindre 62 ans en 2018. Mais pour les régimes spéciaux, pour tenir compte de la réforme Fillon de 2003, l’augmentation ne débutera qu’au 1er janvier 2017 : 6 ans plus tard ! Ce report permet d’économiser en principe 19 milliards. Nous sommes encore loin des 48 milliards !
En parallèle, l’âge du taux plein, aujourd’hui 65 ans, l’âge où l’on peut partir à la retraite sans décote, sera augmenté au même rythme, 4 mois par an pour atteindre 67 ans en 2018. Ce report parallèle au précédent est logique, mais il pénalisera les carrières incomplètes et notamment celles des femmes.
Ces reports sont contestés par l’opposition qui ne propose rien en dehors d’une augmentation de la fiscalité. Les socialistes au pouvoir n’ont rien fait pour sauvegarder les retraites. Ce sont Édouard Balladur et François Fillon qui ont pris des mesures courageuses, déjà très contestées à l’époque mais sur lesquelles personne aujourd’hui n’envisage de revenir. Dans un système par répartition auquel nous sommes tous très attachés, les problèmes démographiques, et notamment la durée de vie, sont fondamentaux. Ne pas en tenir compte fait preuve d’un aveuglement incompréhensible ou plus simplement d’une démagogie regrettable.
Bien entendu, ces mesures d’âge doivent prendre en compte l’employabilité des seniors, la pénibilité et les carrières longues c’est-à-dire ceux qui ont commencé à travailler tôt. Le texte, pour l’instant, est insuffisant sur ces sujets. Il doit être amélioré nous promet le Gouvernement. Il est cependant regrettable, et le mot est mesuré, que nous ne connaissions pas les propositions alors que la commission s’est réunie en juillet et que la discussion a débuté en séance publique. Une telle situation est-elle conforme avec la volonté en principe affichée et répétée du renforcement du rôle du Parlement ?
L’emploi des seniors est un réel problème. Les entreprises ayant tendance à s’en séparer pour réaliser des économies de salaire ou parce qu’ils deviennent moins performants alors qu’ils sont la mémoire de l’entreprise, qu’ils disposent d’un savoir, de compétences, qu’ils pourraient encadrer les jeunes.
Certes, la France est mal placée lorsque l’on retient le critère 55 – 64 ans avec un taux de 38,2 %, mais si l’on retient le critère 55 – 59 ans qui est plus juste compte tenu de la retraite à 60 ans, le taux est de 56,3 % et nous nous situons dans la moyenne européenne. Le report d’âge à 62 ans devrait d’ailleurs entrainer une amélioration du taux.
Cependant, des mesures doivent être prises pour favoriser l’emploi des seniors. Le texte prévoit une aide à l’embauche d’un an, une incitation au développement du tutorat. Des progrès sont encore nécessaires. Nous attendons les propositions du Gouvernement.
La pénibilité est aussi un réel problème. Francis Vercamer, auteur d’un rapport remarquable, y reviendra. Il a déposé des amendements qui, je l’espère, seront pris en compte. En effet, le texte en l’état est trop restrictif puisqu’il ne prend en compte que les personnes ayant un taux d’invalidité de 20 % liée à une maladie professionnelle ou un accident du travail.
Alors que l’on propose de travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein, il est nécessaire de veiller à prendre en compte la pénibilité. Certes, les partenaires sociaux n’ont pu se mettre d’accord depuis 2003. Certes, dans tous les pays, ce problème est réglé pendant la durée du travail et non par la retraite. Mais nous devons renforcer le rôle de l’Observatoire de la pénibilité, améliorer la santé au travail, prendre des mesures de prévention, tracer la pénibilité dans un carnet de santé au travail, réparer la pénibilité par des accords de branche, prendre en compte l’exposition à des facteurs cancérogènes.
Enfin, une remarque : un système de retraite basé sur les comptes notionnels résout en partie ce problème puisque le niveau de pension dépend de l’espérance de vie.
Les CENTRISTES approuve le principe du report d’âge à la condition de prendre en compte la pénibilité et l’employabilité des seniors.
La 2ème mesure importante que Les CENTRISTES approuve est l’utilisation du fonds de réserve des retraites pour financer le déficit d’ici 2018.
À l’annonce de cette mesure, nous étions dubitatifs. Mais à la réflexion, elle apparaît logique à la condition, mais condition essentielle, que l’équilibre soit réellement assuré en 2018. Mais j’y reviendrai. Si donc l’équilibre est assuré en 2018 et sur le long terme, grâce à une réforme systémique, il n’est pas illogique d’utiliser le FRR pour financer les déficits d’ici 2018. Le FRR a été créé dans le but de financer les déficits à partir de 2020. Mais garder une cagnotte de 33 milliards et chercher d’autres financements pour les déficits des régimes de retraite, est-ce raisonnable ?
Les CENTRISTES est d’accord pour utiliser le FRR à la condition que les régimes de retraite soient effectivement à l’équilibre en 2018 et que cet équilibre soit assuré sur le long terme.
Or, nous avons l’impression désagréable que la réforme s’arrête au milieu du gué et que cette réforme annoncée comme une grande réforme ne résout pas les problèmes sur le long terme.
Les données démographiques sont connues et non contestables. Les futurs retraités de 2050 et au delà sont nés aujourd’hui.
Les prévisions économiques sont toujours délicates. Mais les projections du COR, basées sur des données économiques plutôt optimistes, indiquent clairement que les besoins de financement pour 2020 sont estimés à 48,8 milliards. Les mesures d’âge proposées par le texte apporteraient une économie de 19 milliards. Les quelques recettes nouvelles apporteraient 4 à 5 milliards. Il manque donc la moitié du financement.
Le COR indique clairement que le recul d’âge de départ à la retraite à 63 ans et la durée de cotisation à 43,5 ans pour obtenir une retraite à taux plein n’assure que 36 % des besoins. Or, vous avez choisi 62 ans et 41,5 ans. Comment donc assurer l’équilibre à long terme ? Devons-nous nous préparer à une nouvelle réforme dans 2 ans, 3 ans ? Pourquoi ne pas avoir réalisé une vraie réforme ?
C’est pourquoi Les CENTRISTES propose 70 amendements pour améliorer ce texte, assurant la pérennité de notre système de retraite et proposant, grâce à de nouveaux financements, une amélioration pour les situations les plus injustes. Plusieurs amendements, malgré un financement adapté, ont hélas été recalés en vertu du fameux article 40.
Les CENTRISTES propose tout d’abord une réforme dite systémique à points ou mieux en comptes notionnels.
En effet, aujourd’hui, nous connaissons 38 régimes très inégalitaires. Nous voulons donc un régime unique avec des taux de cotisation, des durées de cotisation, des prestations identiques. Ce régime unique implique non pas la suppression, mais la mise en extinction des régimes spéciaux c’est-à-dire que les nouveaux salariés dépendront du régime universel.
Nous voulons un régime par points géré par les partenaires sociaux. La retraite financée par des cotisations salariales et patronales doit être gérée par les partenaires sociaux. Ceux-ci gèrent déjà l’Unedic et les retraites complémentaires. Je ne pense pas que les syndicalistes veuillent fuir leurs responsabilités. Un système par points permet la liberté de choix de départ en retraite, ce qui est très important, permet surtout l’équilibre financier puisque les partenaires sociaux définiront chaque année la valeur d’achat et de liquidation du point.
Un système dit en comptes notionnels est plus intéressant encore car il prend en compte l’estimation de la durée de vie. Bien entendu, l’État continuera à assumer le non contributif par l’intermédiaire du FSV.
Je regrette donc à nouveau que le Gouvernement n’ait pas saisi l’occasion de cette réforme pour engager cette réforme systémique. Une telle réforme demande du temps, une phase transitoire longue, c’est pourquoi il est urgent de l’engager.
En attendant, Les CENTRISTES demande la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires gérée par les partenaires sociaux. Certes, depuis 2003, un service de Bercy gère les retraites, mais une caisse autonome améliorerait la transparence, responsabiliserait les partenaires sociaux.
Nous demandons également dans un esprit d’équité sans lequel la réforme ne sera pas facilement acceptée l’alignement plus rapide du taux de cotisation public – privé et surtout l’alignement progressif en 13 ans de la référence des 6 mois sur les 25 ans en intégrant bien entendu les primes.
Nous demandons par ailleurs que le conseil d’administration de la CNAVPL (professions libérales) puisse fixer en liberté et en responsabilité la valeur de liquidation du point.
Le texte prévoit une meilleure information du futur retraité. Le point info retraite fonctionne bien. Les CENTRISTES souhaite la mise en œuvre d’un dossier retraite informatisé mis à jour chaque année, consultable à chaque instant. Il s’agirait d’un réel progrès.
Pour les polypensionnés qui sont aujourd’hui pénalisés, nous demandons que la règle des 25 meilleures années s’applique globalement et non par régime, nous demandons que les 15 premières années effectuées dans la fonction publique ouvre droit à la retraite.
Pour les travailleurs à temps partiel, lorsque le nombre d’heures travaillées sont inférieures à 200 heures, nous demandons que la validation s’applique en pourcentage du temps travaillé.
Je ne reviens pas sur le problème majeur de la pénibilité que j’ai déjà évoquée et qui sera l’objet de l’intervention de Francis Vercamer, ni sur le problème majeur des carrières longues.
Pour évoquer rapidement les petites retraites notamment agricoles et le problème du veuvage : Pour les veuves, il conviendrait d’aligner les droits des divers régimes, de considérer que les versements du conjoint ont constitué des droits et que plutôt que de modifier le taux de la réversion, il est indispensable de remonter voire de supprimer le plafond de ressources et de revenir au principe de la loi Fillon qui avait supprimé la condition d’âge.
J’en viens enfin au problème majeur, celui de l’équilibre financier de notre système de retraite. Notre devoir est d’assurer sa pérennité et donc son équilibre financier pour assurer à nos jeunes qui cotisent aujourd’hui qu’ils disposeront eux aussi demain d’une retraite.
J’ai indiqué tout à l’heure que, si l’on se réfère aux travaux du COR, que nul ne conteste et à ses projections financières plutôt optimistes, la réforme présentée ne finance au mieux que 50 % des besoins pour 2018.
C’est pourquoi Les CENTRISTES fait des propositions pour obtenir un réel équilibre financier et permettre des avancées indispensables pour les polypensionnés, les petites retraites, les veuves…
Le plus important et le plus simple est l’amendement qui propose d’augmenter la CSG de 1 % permettant un apport de 11,2 milliards chaque année. Certes, cette augmentation n’est pas agréable. Certes, elle peut peser sur le pouvoir d’achat. Mais pas plus que l’augmentation de l’électricité, des assurances complémentaires, des franchises médicales etc. Je suis persuadé que si l’on demandait aux Français s’ils sont prêts à une augmentation de 1 % de la CSG, permettant de sauvegarder réellement les retraites et des améliorations sociales, ils seraient d’accord.
Par ailleurs, nous proposons d’autres amendements pour sortir la CSG et la CRDS du bouclier fiscal, pour augmenter la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, de taxer les indemnités de départ et les « golden parachutes ».
Pour que cette réforme soit acceptée, elle doit être équitable, juste et réellement financée. Il serait regrettable de devoir à nouveau légiférer dans 2 ou 3 ans.
En conclusion
Pour Les CENTRISTES, très attaché à la retraite par répartition, la réforme des retraites est indispensable.
Compte tenu des données démographiques, le report d’âge, comme dans tous les pays, est nécessaire. L’utilisation du fonds de réserve pour financer les déficits jusqu’en 2018 est acceptable.
Cependant, Les CENTRISTES regrette qu’une vraie réforme à points ou en comptes notionnel ne soit pas engagée.
Nous constatons que l’équilibre financier n’est pas assuré, seule la moitié des besoins semblent couverts.
Nous proposons notamment une augmentation de la CSG pour assurer la pérennité de notre système de retraite et pour permettre des améliorations concernant les polypensionnés, les petites pensions, les veuves, l’employabilité des seniors et la pénibilité.
Nous avons déposé 70 amendements. J’espère que le Gouvernement en acceptera une bonne part. Les débats permettront, nous en sommes convaincus, d’améliorer le projet de loi que nous jugerons à la fin des débats.
Merci pour votre écoute.