02.02.2011

Discours de Philippe Folliot, à l’occasion du débat sur l’OTAN et les orientations données aux forces armées françaises

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre d’Etat,
Mes chers collègues,

Mes premiers mots iront à nos soldats qui exercent une activité comparable à nulle autre. Je pense en particulier à ceux qui sont tombés sur le théâtre d’opérations : qu’hommage et dignité soient rendus à leur mémoire !
Nous n'avons pas touché les dividendes de la paix à hauteur de ce que nous pouvions espérer. Le monde est toujours plus difficile et incertain ce qui justifie, de fait, notre effort de défense même si les conflits conventionnels et « traditionnels » entre deux Etats-nations et des forces armées dument structurées risquent de devenir l'exception ; la règle étant des conflits asymétriques face à des rebellions souvent liées au terrorisme international qui agissent au milieu voire en prenant en otage des populations civiles.
Nous avons quand même touché en grande partie les dividendes de la paix puisque dans les années 1960 nous consacrions jusqu'à 5% de la richesse nationale à l'effort de défense alors qu'aujourd'hui nous sommes à moins de 2%, alors que parallèlement les Etats-Unis sont à 5%.
Une question se pose : pouvons-nous descendre plus bas ? Très objectivement je ne le crois pas. Ce serait irresponsable. Tout en étant convaincu qu'il faut agir parfois différemment et en tout état de cause dépenser mieux faute de pouvoir dépenser plus.
Quelques jours après la réunion à Bruxelles du comité militaire de l’Alliance et quelques mois après le sommet historique de Lisbonne, le débat d’aujourd’hui nous donne l’occasion d’évoquer l’OTAN mais également, au-delà, les orientations données à nos forces armées.
A l’heure du choc des civilisations, la place et le rôle de l’OTAN, seule organisation politique et militaire de coopération qui ait survécu à la guerre Froide, sont devenus plus qu’incontournables. Forte de ses valeurs, « la liberté individuelle, la démocratie, les doits de l’homme et l’Etat de droit » et de son objectif immuable, je reprends les termes du nouveau concept stratégique, « la sauvegarde de  la liberté et de la sécurité de ses membres », l’Alliance a su évoluer pour s’adapter aux différentes menaces de notre temps.

J’aborderai successivement au nom du groupe Nouveau Centre 4 points : le nouveau concept stratégique, le dialogue avec la Russie, notre stratégie en Afghanistan et enfin, la politique nationale de défense.

1) Concernant le nouveau concept stratégique
Issu des discussions du sommet de Lisbonne de novembre 2010, ce document, adopté par les chefs d’Etat et de gouvernement, remplace le précédent qui datait de 1999. Il a pour sous-titre « un engagement actif, une défense moderne ». Il ouvre sans nul doute une ère nouvelle pour l’OTAN.
L’accent est mis sur les nouvelles menaces et notamment sur les attaques dirigées contre le cyberespace qui se multiplient aujourd’hui.
Un point retient l’attention : le système collectif de défense antimissile.
Ce projet est ambitieux. Pourtant les questions relatives au  contrôle politique, au financement, à la problématique du nucléaire, ou à la maîtrise de la technologie ne manquent pas. Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet d’importance.
Le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN a été acté en 2009.
Comme vous, Monsieur le Ministre, j’avais émis à titre personnel quelques réserves sur cette réintégration. Aujourd’hui la page est tournée et la décision actée. Il serait intéressant d’avoir un impact chiffré du retour français dans le commandement intégré ; combien d’officiers généraux ont été réintégrés in fine par exemple ? A quel niveau de responsabilités ?
L’OTAN ne doit pas être le gendarme de l’Occident ni l'outil d'une forme de néo-impérialisme américain, ni un enjeu nous engageant dans un « choc des civilisations ». L’Alliance se doit d’être un outil de défense moderne au service de ses membres.
En outre, s'il me semble légitime d’organiser un dialogue avec l’Australie, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande etc. qui sont des partenaires en matière de défense et de sécurité. Pour autant, ces pays n’ont pas, je crois, vocation à intégrer une organisation qui couvre l’Atlantique Nord.
Confrontée à la baisse des budgets nationaux de défense, l'OTAN doit dégager des moyens pour financer ses ambitions futures. Une réduction des structures de commandement étaient annoncée.
La réintégration française et l’adoption du nouveau document stratégique devaient permettre une réforme de l’administration otanienne avec l’avènement d’un nouveau schéma.
Peut-être, Monsieur le Ministre, pourriez-vous informer la représentation nationale sur la mise en œuvre de cette réforme de l’OTAN en termes de coût de l’administration et de la bureaucratie. Qu’en est-il par exemple des 14 agences (cela concernent près de 8 000 personnes) qui œuvrent pour le compte de l’OTAN ?

2) Concernant le dialogue avec la Russie
Les alliés ne doivent pas refuser de discuter avec d’autres partenaires pour des raisons idéologiques ; je pense en particulier à la grande Russie qui, qu'on le veuille ou non est une grande puissance européenne qui compte et dont nous ne devons nous détourner.
Je tiens au nom du groupe Nouveau Centre et apparentés à me féliciter de la signature il y a quelques jours à Saint-Nazaire d’un accord intergouvernemental sans précédent de construction de porte-hélicoptères français Mistral, un bâtiment de projection et de commandement (BPC), pour la Flotte russe. Deux navires seraient construits dans les chantiers navals français et livrés en 2014 et 2015. Deux autres navires seraient construits en Russie par un consortium franco-russe. Cet accord fait suite à l’annonce par le gouvernement russe, le 24 décembre 2010, de la victoire du consortium formé par les compagnies françaises DCNS et STX et la société russe OSK, dans l’appel d’offres portant sur la construction, pour le compte de la Marine russe, de deux navires de commandement et de soutien. Il y a matière à se féliciter de cette « promesse de vente » dont vous nous direz peut-être plus Monsieur le Ministre tant elle est importante sur le plan de la coopération militaire entre nos deux pays que sur le plan économique au regard des emplois qui seraient créés.

La Russie a envoyé un certains nombre de signaux positifs notamment en ratifiant le 28 janvier dernier le traité START. Ce traité de désarmement nucléaire russo-américain prévoit la réduction des armes stratégiques à 1550 têtes nucléaires maximum et des vérifications mutuelles. Cela est très bien car c'est un rattrapage au regard des efforts unilatéraux menés par la France qui vise moins de 300 têtes nucléaires ce qui correspond au seuil minimal en-deçà duquel sa dissuasion nucléaire n'aurait plus lieu d'être.
J’ose croire que la France jouera un rôle moteur forte de son histoire dans le dialogue et la coopération entre l’OTAN et la Russie.

3) Concernant la situation en Afghanistan
Je tiens à rappeler que seul le droit international sous-tendu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies peut justifier, en dehors du cadre de la légitime défense, la  mobilisation de capacités d’intervention.
L'OTAN joue une partie de sa crédibilité en Afghanistan. La coalition compte 150 000 soldats, aux deux tiers Américains. 
Vous me permettrez de rendre, au nom de mes collègues du groupe Nouveau Centre et apparentés, un hommage appuyé à nos troupes présentes sur place. Ils relèvent un sacré défit compte tenu des missions très difficiles et complexes. J’ai eu, du reste, l’occasion de rencontrer et d’échanger avec nos soldats en me rendant en Afghanistan il y  a une dizaine de jours.
La question de l’issue du conflit et du départ d’Afghanistan se pose légitimement. Plusieurs Etats ont d’ores et déjà annoncé un calendrier pour retirer leurs troupes : le Royaume-Uni évoque 2015 et les Etats-Unis tablent sur 2014.
En ce qui concerne la France : nous ne devons pas partir n’importe quand ni dans n’importe quelles conditions ! Ce que nous pouvons affirmer à ce jour, c’est que nous devons poursuivre notre engagement utilement recentré dans le secteur Kapisa-Surobi. Le travail d’encadrement et de formation des forces afghanes doit être prolongé. J'ai pu le constater sur place, ces efforts commencent à donner des résultats probants ; il serait irresponsable de tout arrêter d’un coup d’un seul ! Par contre, nous devons planifier la transmission de la responsabilité de la défense et de la sécurité aux forces afghanes comme cela est prévu dans quelques semaines en Surobi.

4) Enfin, concernant notre politique de défense
La question qui se pose est celle de l’adéquation entre les objectifs du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et les dispositions contenues dans les lois-cadre que nous avons votées. En effet, il est à craindre un « effet de ciseaux » entre les objectifs que nous nous sommes assignés en la matière et la révision générale des politiques publiques (RGPP).
La nouvelle carte militaire créée en 2009 doit être achevée en fin 2015. Des suppressions et des déménagements d’unités sont prévus. Un point important concerne la mutualisation des moyens de soutien au sein des bases de défense. Il s’agit de mutualiser la restauration, l’habillement, la gestion des personnels, la santé, les carburants et l’informatique entre les différentes armées. Pouvez-vous Monsieur le Ministre, nous en dire un peu plus sur le calendrier de mise en place de ces bases de défense.
Le budget alloué à la défense en 2011 accorde une priorité à l’équipement (près de 16 milliards d’euros) qui s’accorde avec l’évolution définie par la loi de programmation militaire. J’avais pu saluer cet effort d’équipement lors des discussions budgétaires.

En conclusion,
Je souhaiterais profiter de ce débat sur l’OTAN et les orientations données à nos forces armées pour rappeler d’un mot le besoin d’une Europe de la défense forte et visible.
Cette Europe de la défense que le groupe Nouveau Centre appelle de ses vœux depuis fort longtemps ne doit pas rester un vœu pieux ; elle a toute sa place et sa légitimité aux côtés de l’OTAN.
J’en veux pour preuve le partenariat historique franco-britannique en matière de défense, de sécurité et de coopération nucléaire qui a été signé en 2010.
Je vous remercie.

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