17.02.2020

Hervé Morin : "Cette réforme de l'apprentissage aura des conséquences dramatiques."

 

Dans une tribune accordée au journal Le Parisien, Hervé Morin déplore les conséquences de la réforme de l'apprentissage qui retire cette compétence aux Régions.

 

Il y a des moments surréalistes en politique. Jamais l'apprentissage n'a aussi bien fonctionné en France. Pourtant, le gouvernement a décidé de le centraliser. Pour se justifier, il n'hésite pas à s'arroger la paternité des bons résultats des régions.

 

Nous souhaitions demeurer en charge de l'apprentissage. Non pas pour conserver un pouvoir, mais au nom d'une cohérence de l'action publique qui nous amène à être compétents des lycées jusqu'au soutien à l'économie et, surtout, pour coller au mieux au terrain. Les régions, qui n'ont cette compétence pleine et entière que depuis 2015, ont pris à bras-le-corps le sujet, multipliant conférences régionales et audits par bassin d'emploi. En Normandie, ce travail a permis d'ouvrir 114 formations nouvelles. Après dix ans de baisse, le nombre d'apprentis y a bondi de 20 % ! Malgré cela, le gouvernement a bidouillé un système répondant à une logique purement libérale. Désormais, si un centre d'apprentis a suffisamment d'élèves pour se financer tant mieux, s'il n'en a pas assez, il fermera.

 

Mme Pénicaud prétend que ces bons chiffres sont le fruit de sa réforme. On connaissait ses talents de magicienne, depuis qu'elle avait expliqué que son opposition à l'allongement des congés des parents ayant perdu un enfant était en fait une faute collective. En l'espèce, ses propos reviennent à dire que la loi retirant l'apprentissage aux régions a des effets anticipés, puisque le texte n'est applicable que depuis le 1er janvier 2020.

 

Mme Pénicaud sait d'ailleurs que les 540 centres qui ont indiqué leur intention d'ouvrir une formation l'ont fait à titre conservatoire. Bien sûr, des centres de formation s'ouvriront dans les grandes entreprises. Toutefois, qui vous dit que ces centres ne provoqueront pas la fermeture des plus petits sites qui maillent nos territoires ou de ceux qui accueillent des formations rares, où il y a donc peu d'effectifs ? Qui paiera pour maintenir les centres ? Qui financera à la place des régions l'aide aux apprentis ? Ne nous trompons pas : quand il s'agira de centres offrant des formations horizontales et partagées par tous les métiers, personne ne se sentira concerné.

 

La loi va également produire un grand écart entre les formations supérieures et les formations de plus petit niveau. Personne ne sait par ailleurs comment sera financé l'apprentissage dans les lycées publics. Idem dans la fonction publique. Et que dire des équipements ? Ainsi en Normandie, l'État accordera une enveloppe deux fois moindre que ce que la région mettait chaque année. Et je ne parle pas des effets d'aubaine liés aux disparités des coûts unitaires pour chaque apprenti qui asséchera les formations moins bien payées.

 

Évidemment, la réforme n'est pas financée ! En effet, pour éviter l'effondrement du système, Mme Pénicaud a tellement augmenté les tarifs des formations que l'agence créée par le gouvernement présente un déficit prévisionnel de 3,5 milliards d'euros !

 

Cette réforme a été bricolée, et elle est purement dogmatique. Elle aura des conséquences dramatiques sur l'emploi de nos jeunes et sur les entreprises situées en dehors des métropoles. Pour masquer cette impasse, Mme Pénicaud utilise des chiffres qui ne sont pas les siens. Il est vrai que les régions ont été heureuses de faire le job depuis trois ans pour nos jeunes et nos entreprises. Ce qui différencie, au fond, le gouvernement, et au premier chef Mme Pénicaud, et les régions, c'est le sens de l'action publique. Nous pensons profondément que lorsqu'il s'agit d'éducation et de formation, c'est-à-dire s'occuper de la jeunesse de notre pays, l'État et la puissance publique ont toute leur place dans la démarche. Contrairement au gouvernement, nous ne pensons pas que ce système doit être lié à la seule loi du marché. Emmanuel Macron devrait avoir la même lucidité que chez Danone. Il est temps que Mme Pénicaud quitte le gouvernement.

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