06.09.2018

Catherine Morin-Desailly : "Les enjeux de la rentrée 2018."

École en milieu rural, désertification enseignante, montée des compétences des enseignants dans le numérique, réforme du bac... Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime et Présidente de la Commission culture, éducation et communication, a rédigé une tribune dans Paris Normandie sur les enjeux qui attendent le monde de l'éducation pour cette nouvelle année scolaire :

 

Dans sa lettre aux professeurs publiée le 26 avril dernier, le ministre de l’Éducation nationale a présenté les grandes orientations de sa stratégie globale, détaillant l’essentiel des nouveaux dispositifs dont l’objectif premier est la consolidation des savoirs fondamentaux : « lire, écrire, compter et respecter autrui ». Je partage totalement cette ambition. Dans une région telle que la nôtre, où l’illettrisme et le décrochage scolaire connaissent des taux importants, c’est une absolue priorité.

À cet égard, le mouvement de dédoublement des classes de primaire est pertinent. Dans l’académie de Rouen, 55 classes de CP en REP + et 25 classes de CP en REP en ont bénéficié l’année dernière. L’objectif, cette année, est d’étendre le dispositif aux classes de CE1 des REP + et aux élèves de CP des REP, soit respectivement 21 et 69 classes de notre académie. Si l’on ne peut que souscrire à de telles mesures, on ne saurait oublier la ruralité qui présente son lot de difficultés spécifiques souvent évoquées par les maires qui investissent beaucoup pour l’école et la réussite des élèves. Le devenir de l’école en milieu rural mérite toute notre attention, car c’est aussi au cœur des territoires que se prépare l’avenir.

Confirmation de cette rentrée, suite au désastreux épisode de la réforme des rythmes scolaires du précédant quinquennat, les communes ont très majoritairement fait le choix de revenir à la semaine de quatre jours. Face à cette réorganisation, le Plan mercredi destiné aux élèves de maternelle et du primaire et le parcours d’éducation artistique et culturelle permettront d’aménager ces nouveaux temps scolaires, de poursuivre et organiser des activités périscolaires. L’enjeu restera de garantir l’équité entre les territoires car toutes les collectivités ne sont pas dotées des mêmes ressources humaines et financières. Or, organiser des activités de qualité suppose de s’appuyer sur des professionnels de la culture et des structures de référence au niveau local.

On ne saurait aborder la rentrée scolaire sans évoquer les enseignants qui méritent d’être fortement soutenus dans leur mission. La difficulté du métier et son déficit de reconnaissance et d’attractivité ont provoqué une réelle crise des vocations. La « désertification enseignante » est une réalité dans de plus en plus de zones rurales et zones d’éducation prioritaire. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le Sénat mène une réflexion approfondie sur le métier d’enseignant. Ce travail a fait l’objet d’un rapport d’information intitulé Métier d’enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l’attractivité. Pour de nombreuses raisons, la fonction est indéniablement amenée à évoluer. Parmi elles, la révolution numérique, qui a un impact sur l’ensemble de l’activité humaine. Il est important de réfléchir à la manière dont le numérique peut enrichir les pédagogies et impose de nouvelles exigences pour préparer les compétences et les métiers de demain. C’est l’objet de mon rapport : Prendre en main notre destin numérique : l’urgence de la formation dans lequel je formule des propositions pour assurer la montée en compétences de tous dans le secteur du numérique.

C’est un impératif qui passe nécessairement par la formation des formateurs ainsi que celle des jeunes pour maîtriser les nouveaux outils numériques et apprendre à se servir des écrans comme à s’en passer. En somme, être sensibilisés aux bons usages du numérique. Cette année sera également marquée par l’application de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, texte sur lequel nous avions émis de nombreuses réserves, regrettant qu’à l’heure de la décentralisation, les Régions se voient amputées d’un rôle majeur pour le développement et la valorisation de l’apprentissage. Ce sera également l’année de la réforme du baccalauréat général et technologique. Nous aurons d’ailleurs à ce sujet un débat au Sénat le 3 octobre prochain avec le ministre. Devenu complexe et illisible du fait de la multiplication des filières et des options, le baccalauréat ne se conçoit pas assez comme une étape préparatoire aux spécificités de l’enseignement supérieur et à la diversité des parcours professionnels. C’est pourquoi, le cursus modulaire proposé – échelonnage de l’évaluation continue entre première et terminale et nouvelles épreuves terminales – va dans le bon sens, sous réserve de veiller à ce que tous les élèves disposent des mêmes choix partout.

La refonte du lycée prévue pour la rentrée prochaine et la nouvelle formule du baccalauréat qui entrera en vigueur en 2021 devront s’articuler autour d’un triple objectif de validation des acquis, d’orientation et de professionnalisation et de préparation aux études supérieures. Longtemps générés automatiquement par des algorithmes opaques, les choix d’affectation dans l’enseignement supérieur ont connu une inflexion majeure avec la mise en place de la plateforme Parcoursup et l’adoption de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. La procédure n’étant pas définitivement close, il convient d’attendre les dernières affectations avant de dresser le bilan de cette première année de réforme.

C’est en pensant l’intégralité de son système éducatif, de la maternelle à l’université en passant par la formation professionnelle, que la France pourra permettre la réussite de tous nos élèves. Rappelons-le, l’Éducation reste le premier budget de l’État et les collectivités territoriales - communes, départements et régions - investissent beaucoup dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues. Cet investissement, on ne le dira jamais assez, est essentiel pour que nos jeunes soient éduqués, formés, trouvent les voies de leur insertion et réussite professionnelles et se construisent comme des citoyens responsables et éclairés.

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